Évaluation des effets du Programme de traitement de la matière organique par biométhanisation et compostage sur la réduction des GES
La Politique de gestion des matières résiduelles du Québec constitue une pièce importante dans la démarche de transition écologique de l’économie et de la lutte aux gaz à effet de serre (GES). Dans le cadre urbain, en particulier, le traitement des matières résiduelles organiques pose de nombreux défis aussi bien sur le plan logistique que sur celui des mentalités et des habitudes de vie. Le gouvernement du Québec a choisi de soutenir sa Politique par un ensemble de mesures dont la plus importante est sans aucun doute le Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage (PTMOBC). Ce programme est destiné à soutenir les initiatives des municipalités et des municipalités régionales de comté (MRC), et dans une moindre mesure celles du secteur privé, en vue de doter le Québec d’un ensemble de structures vouées à une meilleure valorisation des matières organiques résiduelles. Plusieurs projets ont déjà été déposés. L’IRÉC a entrepris de porter un premier regard analytique sur les enjeux qui se dessinent derrière la réponse des divers promoteurs. L’ambition est de tenter d’établir si les conditions de succès parais-sent réunies pour réaliser les objectifs et s’assurer d’un usage optimal des fonds publics.
Une première note de recherche parue à l’automne 2013 De l’eau dans le gaz, du flou dans les calculs concentrait l’analyse sur la contribution éventuelle des projets de biométhanisation au bilan énergétique du Québec. L’ambition était de cerner les contours de l’ensemble formé par les projets ayant fait l’objet d’annonces gouvernementales. Il n’était pas question d’évaluer la rentabilité de chaque projet, mais bien de saisir l’effet général de la mise en route de ces projets, leur portée en regard des objectifs de la politique nationale. Les résultats, basés sur un examen des données publiques accessibles, nous ont permis d’établir que :
- les projets de biométhanisation n’apporteraient qu’une contribution marginale au bilan énergétique du Québec : selon les scénarios, de 1 % à 3 % de la consommation québécoise de gaz naturel et entre 0,16 % et 0,54 % du bilan énergétique québécois global;
- les projets rendus publics faisaient presque tous subir un double traitement à la matière organique résiduelle. Dans les cas de Montréal, Laval, Longueuil, Québec, Beauharnois, les projets comportent une phase de compostage post-méthanisation pour stabiliser le digestat avant de le stocker ou de le transporter pour le retourner à la terre. Dans d’autres cas, les digestats seront séchés et granulés avant un retour à la terre;
- en raison de ce double traitement, le coût des projets demeurait, dans tous les cas, supérieur à celui du compostage et ce, même en tenant compte des revenus de vente du biogaz produit et des subventions accordées;
- un déficit d’information majeur affecte le débat public et l’examen des projets, déficit à propos duquel le rapport interpellait le ministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP).
La nature et la portée des résultats ont en quelque sorte imposé un recadrage de l’examen que nous avions projeté de faire du PTMOBC. Ce recadrage entraîne un double examen : en premier lieu, celui de la contribution du programme à l’évitement des GES par le retrait de la matière organique (MO) du système actuel centré sur l’enfouissement et deuxièmement, celui du circuit économique du dispositif de traitement/valorisation de la matière organique résiduelle appelé à restructurer la mise en œuvre des projets de biométhanisation.
L’exposé qui suit vise à fournir une vue d’ensemble du contexte dans lequel s’insère le PTMOBC et à cerner la nature de sa contribution spécifique à la lutte aux GES qui en est l’objectif central. C’est en comparant sa contribution attendue au rendement du dispositif actuel centré sur l’enfouissement de la MO et son traitement dans des lieux d’enfouissement technique (LET) que nous serons mieux en mesure de saisir la portée éventuelle des projets de biométhanisation eu égard à la réduction des émissions de GES.
Une fois établie la mesure de cette contribution éventuelle du PTMOBC, nous serons mieux à même de nous pencher sur les enjeux économiques soulevés par la mise en œuvre éventuelle des projets rendus publics. Cela fera l’objet d’une autre note.