Le Cégep de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine : un actif de premier plan pour l'économie et le développement régional

Au cours des dernières années, de profondes transformations ont affecté le réseau des établissements collégiaux du Québec, aussi bien en ce qui a trait à leur gouvernance qu’à leur financement. Les compressions budgétaires répétées, mais aussi et surtout l’application à ces institutions d’enseignement des principes de la « Nouvelle gestion publique », ont progressivement contraint les directions collégiales à adopter des stratégies de développement typiques des organisations économiques privées. Pris en étau entre, d’un côté, une mission d’enseignement et de formation qui constitue leur raison d’être, et, de l’autre, un univers de contraintes gestionnaires exerçant des contrôles de plus en plus affinés et allouant des ressources financières de plus en plus limitées, les cégeps doivent aujourd’hui composer avec une rationalisation continue de leurs activités.

Pour plusieurs établissements situés dans les régions éloignées des grands centres urbains, cette rationalisation se conjugue bien souvent à d’autres facteurs de fragilisation qui ressortent du contexte dans lequel ils s’inscrivent. Ainsi, en plus de vivre avec des compressions budgétaires d’importance appliquées au cours des dernières années, ces cégeps sont déjà confrontés à des défis démographiques et socio-économiques de taille. Puisqu’une part grandissante des ressources financières de ces institutions d’enseignement dépend des inscriptions aux programmes offerts, il est aisé de comprendre de quelle manière la modification des règles de financement touche encore davantage les cégeps situés dans des régions affectées par un déclin démographique ou un vieillissement de la population. Ainsi, les déficits accumulés ces dernières années par certains cégeps peuvent s’expliquer davantage par l’effet combiné des compressions budgétaires et d’une série de facteurs socio-économiques régionaux défavorables que par une suite de mauvaises décisions des directions d’établissement quant à l’allocation des ressources.

Il importe donc de recomposer les rapports liant étroitement les dynamiques démographiques, le contexte socio-économique et la situation des cégeps de région afin de camper les diagnostics appropriés et de proposer des pistes de relance adaptées. Car ces institutions ne pourront voir décroître indéfiniment leurs effectifs étudiants sans qu’elles perdent les moyens minimums nécessaires pour concrétiser leurs missions institutionnelles, mais aussi les fonctions économiques qu’elles assument vis-à-vis des localités dans lesquelles elles s’enracinent. Par-delà le mandat d’intérêt général qui leur est confié, ces cégeps constituent en effet de véritables vecteurs d’intégration à la société québécoise, en même temps que des acteurs-clés de développement territorial, en particulier dans les régions éloignées des grands centres.

Les fonctions économiques de ces institutions sont, la plupart du temps, méconnues du grand public et non reconnues par les pouvoirs publics. Non seulement constituent-elles la plupart du temps l’un des principaux employeurs de la région, mais elles offrent surtout des formations susceptibles de rehausser le niveau de qualification de la main-d’œuvre de la région, de consolider les bases de l’innovation sociale et technologique dans les milieux, ainsi que d’alimenter les débats publics régionaux sur les choix de développement socio-économique. Le dynamisme insufflé par les cégeps à leurs régions d’appartenance se concrétise aussi par la participation des étudiants et du personnel enseignant à plusieurs organismes et comités visant l’amélioration des conditions de vie et la structuration des activités économiques régionales sur le long terme, ce qui en retour peut soutenir la rétention des jeunes dans la région. Mentionnons aussi que ces institutions fournissent à la toile d’entrepreneurs locaux une base commerciale générant une activité économique stable, ce qui peut faire une différence dans le cas de régions présentant une économie faiblement diversifiée. Bref, à l’échelle des régions dans lesquelles ils s’inscrivent, les cégeps constituent pour elles un actif de premier plan qui nécessite d’être mis en évidence.

Télécharger la publication

Citez cette publication

L'ITALIEN, François et Jean-François SPAIN (2018). Le Cégep de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine : un actif de premier plan pour l'économie et le développement régional, Rapport de recherche de l'IRÉC, avril 2015

Partagez cette publication