Offre individuelle de travail au noir : approche micro-éconoémtrique

Le travail au noir est doté d’une étonnante capacité à traverser les siècles et les frontières. Il est, dès lors, particulièrement difficile d’en discerner les causes réelles. Nous proposons ici trois pistes de recherche. Notre objectif est double. Au plan théorique, notre démarche consiste en l’élaboration de modèles d’offre de travail au noir qui tiennent compte du marché officiel. Au plan économétrique, l’estimation de ces modèles vise à lever certaines ambiguïtés théoriques et à tester la validité d’hypothèses couramment utilisées. Le premier axe de recherche porte sur les déterminants de la participation à l’économie souterraine et de l’intensité de l’activité dissimulée. L’apport de notre démarche tient à l’introduction de coûts fixes à l’entrée sur le marché noir, tout en tenant compte de la situation d’emploi sur le marché officiel. Nos résultats corroborent l’existence de coûts importants sur le marché noir. Leur ampleur est certes inférieure à celle que l’on observe sur le marché officiel. Mais, ils représentent toutefois près du tiers des revenus potentiels des non participants. Le deuxième axe de recherche concerne la fiscalité et les dispositifs de répression de la fraude. Notre modèle structurel tient compte de la probabilité subjective de détection et du taux de pénalités qui lui est associé. L’approche économétrique permet, pour la première fois, d’endogénéiser ces variables potentiellement sujettes à un biais de dissonance cognitive. Nos résultats révèlent l’importance des effets de réseau dans le choix de l’activité souterraine et soulignent l’absence de discrimination salariale à l’égard des femmes sur le marché noir. Enfin, les hypothèses de parfaite substituabilité des heures de travail et de séparabilité additive de la fonction d’utilité sont rejetées. Le troisième axe de recherche est relatif aux normes sociales. Notre démarche constitue, en ce sens, une première étude structurelle du rôle des considérations psychologiques et sociales dans le choix de l’activité souterraine. La décision de travailler au noir résulte de l’interaction complexe entre l’évaluation par l’individu des conséquences de sa propre action et la façon dont il pense que son comportement est perçu par les autres. D’après nos résultats, les personnes les plus jeunes sont très sensibles à la menace d’ostracisme. En revanche, les femmes accordent peu d’attention aux considérations morales. L’absence de fraude parmi celles -ci ne résulte pas de valeurs éthiques plus élevées, mais de la crainte de sanctions financières. Enfin, nos résultats montrent que les heures de travail, même en l’absence d’incertitude sur le marché noir, ne sont que d’imparfaits substituts.

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