La transition énergétique du Québec : de quoi parle-t-on ?
QU’EST-CE QUE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?
La transition énergétique fait référence au passage d’une économie qui repose sur l’utilisation des énergies fossiles, émettrices de gaz à effet de serre (GES), à une économie décarbonée. Cette transition implique des changements profonds dans les modes de production, de distribution et de consommation de l’énergie. Ici, l’objectif pour le Québec est clair : réduire, puis éliminer, les émissions de GES pour limiter les impacts du réchauffement climatique. Face à cette nécessaire transition, le Québec se trouve dans une position singulière, à la fois privilégiée et problématique.
Rappelons d’abord que grâce à l’abondance des sources d’énergies renouvelables sur son territoire auxquelles il s’est donné accès, le Québec a réalisé des avancées importantes dans la transition énergétique. Il détient un avantage unique : 99 % de toute l’électricité produite provient de sources d’énergie dites renouvelables, principalement de l’hydroélectricité, mais aussi de l’énergie éolienne et de la biomasse. Cette réalisation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat de politiques énergétiques et industrielles adoptées dans les années 1970, qui ont été motivées principalement par des raisons économiques. Aujourd’hui, le Québec récolte les fruits de ces choix passés, en se positionnant en leader en matière de production d’énergie renouvelable.
Ce succès permet au Québec de répondre aux besoins énergétiques des secteurs résidentiel, commercial, institutionnel et industriel, tout en limitant les émissions de GES. Cette situation est un atout considérable, lorsque l’on considère que d’autres régions du monde continuent de dépendre fortement des énergies fossiles.
Cela dit, des défis d’envergure subsistent. Amorcer la transition du secteur des transports et de l’industrie, qui demeurent fortement dépendants aux hydrocarbures, en est un important. Repenser les modèles de mobilité et d’aménagement du territoire, modèles largement conçus à partir d’un accès aux énergies fossiles, est un autre défi d’envergure pour le Québec afin de compléter sa transition énergétique. Abordons ces deux défis ici schématiquement.
LA TRANSITION DU SECTEUR DES TRANSPORTS
Comme ailleurs en Amérique du Nord, le Québec est fortement dépendant des hydrocarbures pour le transport des personnes et des marchandises. Le pétrole demeure la principale source d’énergie pour ce secteur, qui est responsable d’une part importante des émissions de GES. Il convient de distinguer les défis propres aux deux principaux domaines de transports impliqués.
A) Transport de marchandises
Actuellement, ce secteur repose largement sur le camionnage, qui est l’une des principales sources d’émissions de GES au Québec. La dépendance aux hydrocarbures y est particulièrement forte, en raison du manque d’alternatives structurelles fiables pour le transport à grande échelle sur des distances parfois très longues.
L’une des solutions envisagées pour réduire ces émissions est de favoriser le transport ferroviaire, beaucoup moins polluant que le camionnage. Bien que moins développé que dans d’autres régions du monde, ce mode de transport pourrait devenir un levier important de décarbonation. Cela nécessitera toutefois d’importants investissements dans les infrastructures et une coordination accrue entre les différents acteurs des chaînes logistiques. Il existe aussi le transport maritime, qui fait également face à une transition nécessaire, qui représente une alternative intéressante pour certaines régions du Québec. Là, le Saint-Laurent est une voie qui doit être davantage développée.
À moyen et long terme, la mise en place de ces technologies et infrastructures permettront de diminuer la dépendance au camionnage et de rendre le transport des marchandises plus durable. Des propositions fortes et audacieuses permettront de mettre en œuvre la transition du secteur, qui nécessitera une coordination étroite entre les secteurs public et privé.
B) Transport de personnes
Si l’on réfère souvent à l’électrification des transports des automobiles comme une panacée en matière de lutte contre les changements climatiques, il n’en est rien. Cette solution élude l’essentiel : il importe de viser des changements structurels, qui vont permettre au Québec d’atteindre ses cibles de réduction de GES. Ainsi, le primat reconnu à l’automobile individuelle, même électrique, devra être revu. On devra plutôt parler de mobilité des personnes et de transition vers le transport collectif et actif.
Dans les grandes villes, comme Montréal ou Québec, le développement du transport collectif électrifié apparaît comme une solution structurante. Il permet de réduire la dépendance à la voiture individuelle, tout en minimisant les besoins en hydrocarbures. Des initiatives comme l’expansion du réseau de métro, de tramway ou de bus électriques contribueront grandement à cette réduction. Les infrastructures nécessaires à la mobilité active telle que la marche ou le vélo doivent aussi être mis en œuvre de façon complémentaire. Toutefois, ces infrastructures exigent des investissements conséquents et une planification à long terme.
Dans les régions du Québec, où la population est plus dispersée, les défis sont plus complexes. La distance entre les centres urbains et les communautés rurales rend l’implantation d’infrastructures de transport interurbains collectifs plus difficile, mais nécessaire. Il devient donc impératif d’électrifier les transports tout en revoyant les modèles de transport dans leur ensemble afin de réduire la dépendance à l’automobile individuelle et de favoriser des modes de transport plus durables. Ici, des solutions collectives s’imposent.
REPENSER L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
L’aménagement du territoire joue un rôle crucial dans la transition énergétique du Québec. L’étalement urbain et la configuration des villes influencent directement les besoins en transport, et donc la consommation énergétique. Actuellement, l’expansion des banlieues éloignées des centres urbains contribue à une hausse significative de la demande en carburants fossiles pour les déplacements quotidiens. Plus largement, c’est la conception des villes elles-mêmes qui doit évoluer.
L’étalement urbain, avec l’expansion des banlieues éloignées des centres, affecte directement les zones agricoles et les territoires naturels. Pour réduire ces phénomènes, il faut encourager des formes d’aménagement urbain plus denses, où les résidents peuvent satisfaire plus facilement leurs besoins quotidiens sans avoir à parcourir de longues distances. Déjà à l’essai dans certaines métropoles, ce modèle d’aménagement permet de limiter les trajets tout en favorisant des modes de transport plus durables, comme le vélo, la marche et les transports collectifs.
UN PLAN AMBITIEUX POUR OPÉRER MAINTENANT LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Le Québec dispose d’atouts indéniables pour réussir sa transition énergétique. Cependant, pour que cette transition soit complète, il faudra sortir des solutions conventionnelles, faire preuve d’audace et travailler avec méthode.
Ainsi, contrairement à une idée reçue, l’augmentation des capacités de production énergétique, même renouvelable, ne répondra pas aux impératifs de la transition. Le Québec doit réduire sa consommation énergétique afin de rendre disponible l’énergie renouvelable nécessaire à la décarbonation de ses activités industrielles. Il s’agit d’un passage incontournable. Avant de prévoir de nouvelles infrastructures de production énergétique, il faudra repenser notre consommation et privilégier la sobriété énergétique, l’efficacité et une gestion collective de la chaleur. Le Québec possède les infrastructures permettant de compléter la transition énergétique. Il a maintenant besoin d’un plan ambitieux qui se concrétisera avec des politiques publiques claires et structurantes sur les principaux aspects de la transition à compléter.