Désenclavement de la Basse-Côte-Nord
L’IRÉC a pour mandat d’évaluer les conditions de faisabilité de la réalisation d’une nouvelle étude portant sur l’impact de l’ajout d’un lien routier entre Kegaska et Blanc-Sablon. Partant des résultats de l’analyse avantages-coûts déjà réalisée par la firme Roche (2003), le présent rapport pro-pose une démarche méthodologique à suivre et un cadre d’analyse à mettre en place pour évaluer les effets, sur l’ensemble de l’économie québécoise, de l’ajout d’un lien routier couvrant la Basse-Côte-Nord. Le but est de cerner les paramètres à prendre en compte et la démarche d’analyse qu’il faudra appliquer, dans une étape subséquente, à l’enquête empirique et à la collecte des données. Il s’agit donc ici de cerner les conditions de faisabilité d’une telle étude.
L’ambition d’une éventuelle étude est de contribuer à renouveler l’analyse économique des forces et faiblesses des structures régionales en allant au-delà des effets seulement locaux du désenclavement pour les examiner plutôt sous l’angle de la reconfiguration des circuits économiques et des logiques d’échange – en particulier avec Terre-Neuve et Labrador – que rendrait possible le prolongement du lien routier. L’hypothèse de départ est que la reconfiguration provoque-rait non seulement de nouvelles retombées économiques qu’il serait important de pouvoir évaluer rigoureusement, mais encore et surtout, une redéfinition des logiques d’échanges économiques de la région avec le reste du Québec, Terre-Neuve et Labrador et, plus globalement avec le nord-est du continent.
Déterminer les impacts à court et long terme qu’une route côtière pourrait avoir sur le développement local, régional et national représente un défi important puisqu’il faut considérer les éléments de création de valeur (ou valeur ajoutée), de tourisme, d’industrie, d’emploi et de logiques d’occupation du territoire. Une évaluation exhaustive de la façon dont les méthodes actuelles par-viennent à intégrer la totalité des impacts sur la société est requise.L’examen des divers scénarios économiques associés à une stratégie de désenclavement ne pourrait être mené à bien sans tenir compte des meilleurs résultats d’analyse des expériences étrangères, en particulier celles qui ont été conduites dans les régions nordiques européennes.
La relance du Plan Nord fixe, en effet, des rendez-vous très importants pour le développement du potentiel de la région. La mise en valeur de ce potentiel passe par une évaluation rigoureuse des désavantages et des avantages concurrentiels imposés par l’organisation actuelle des flux d’échange. Cette évaluation devrait mener à l’élaboration de propositions alternatives misant sur une meilleure participation de la région à la mise en valeur des ressources visées par le Plan Nord.
Par ailleurs, le scénario d’un nouvel axe routier renforçant les liens interprovinciaux, améliorant la sécurité et réduisant les temps de parcours, nous apparaît comme un facteur essentiel pour l’amélioration et l’optimisation du marché global canadien en facilitant et redéfinissant les circuits des biens et des services pour tout l’Est du Canada. Le désenclavement du transport terrestre de ces régions peut ainsi contribuer, en synergie avec d’autres mesures appropriées conduites par les gouvernements du Québec et d’Ottawa, à réduire les inégalités économiques et sociales entre ces régions et la grande région du Nord-Est du continent. La redéfinition du circuit des échanges offrirait au Québec une occasion exceptionnelle de redéfinir ses liens économiques avec Terre-Neuve et Labrador et de capter une part plus importante des retombées économiques des échanges de cette province avec le reste du continent.
Par ailleurs, rappelons que parmi les bénéfices générés par le lien routier, plusieurs ne sont pas directement transigés sur les marchés. C’est dans de tels cas que l’intervention de l’État s’avère nécessaire pour s’assurer que les potentiels se réalisent à leur optimum.Ces potentiels sont le plus souvent associés à la production d’externalités positives qui servent le bien commun, la qualité de vie et l’intérêt public. Le travail d’analyse ainsi envisagé dépasse largement les cadres d’une analyse d’impacts de l’investissement public.
Le présent rapport d’analyse vise donc à dresser les conditions de faisabilité et à définir un cadre général pour aborder rigoureusement l’analyse des conséquences économiques et des enjeux soulevés par le désenclavement de la Basse-Côte-Nord. Ce cadre constituera le préalable à la deuxième phase de l’étude qui permettra l’intégration des problématiques d’occupation du territoire et de reconfiguration du modèle de développement local et régional en tenant compte de la redéfinition des rapports économiques et des flux d’échanges entre la région et l’Est du Canada, en particulier avec Terre-Neuve et Labrador. C’est lors de la préparation de cette éventuelle deuxième phase que sera défini le plan d’enquête et de collecte et que seront abordés les aspects de l’échéancier et des budgets requis