La Société d'aménagement et de développement agricole du Québec
Les événements récents ont démontré que le Québec n’est pas épargné par la montée en puissance d’une agriculture de capitaux, qui a pris son essor un peu partout dans le monde. Profitant des brèches de la politique agricole actuelle et dans le dispositif de protection du territoire, des sociétés de gestion de portefeuille ont d’ores et déjà commencé à acquérir des fermes et des terres à un rythme qui pourrait bien s’accélérer au cours des prochaines années. Dans un contexte où le départ à la retraite de plusieurs producteurs agricoles est imminent, où l’augmentation des coûts de production a précarisé la situation de plusieurs agriculteurs, et où l’établissement de la relève agricole pose de nombreux défis, l’accaparement des terres par des organisations financières semble plus que jamais facilité par la conjoncture.
Cet accaparement est susceptible d’entraîner des conséquences de longue portée sur le modèle agricole québécois. La dévitalisation des communautés, la réduction du métier de producteur à des tâches d’exécution, la marginalisation des fermes de petite et moyenne tailles et l’hyperspécialisation des productions constituent autant d’effets délétères pour un modèle d’agriculture qui a jusqu’ici conjugué économie et choix d’occupation du territoire.
Devant de telles menaces, le laisser-faire ne peut être une politique. Des expériences étrangères, notamment le modèle français des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ont prouvé leur efficacité et peuvent inspirer. La situation actuelle requiert une réponse cohérente et novatrice, une réponse visant à défendre l’agriculture de métier, à soutenir la relève québécoise, à mettre en valeur le domaine agricole et à accompagner les communautés dans leurs choix de développement.
La création d’une Société d’aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ) constitue, à bien des égards, la pierre d’assise d’une réponse institutionnelle forte. Sa mise en place doterait la politique agricole québécoise d’un puissant instrument d’acquisition et de transfert d’établissements, permettant à la fois de freiner la spéculation foncière, de rétribuer correctement les agriculteurs qui vendent leurs fermes au moment du départ à la retraite, de favoriser l’installation d’une relève axée sur l’agriculture de métier et de maintenir la structure d’occupation du territoire.
En plus de favoriser l’encadrement de la transmission des fermes, cette Société remplirait des fonctions de surveillance des transactions sur le domaine foncier agricole au Québec. En dis-posant d’une connaissance fine des transactions portant sur le foncier dans toutes les régions, le milieu agricole et l’État québécois bénéficieraient d’une vue d’ensemble des transformations de la structure foncière de son territoire et de ses impacts sur l’évolution de l’agriculture de métier, ses conditions de pratique et de renouvellement.
Le présent rapport de recherche vise à définir les objectifs et les principaux créneaux d’intervention de ce complément institutionnel, ainsi qu’à présenter les manières par lesquelles il peut accroître la capacité des producteurs agricoles et des collectivités régionales à faire valoir leurs choix de développement pour les décennies à venir.