L'accaparement des terres et les dispositifs d'intervention sur le foncier agricole
Le phénomène de l’accaparement des terres est devenu, au cours des dernières années, un enjeu majeur pour les sociétés préoccupées par leur souveraineté alimentaire et la prospérité de leur agriculture. Cela s’explique aisément : la déstructuration des communautés rurales, l’augmentation des pressions financières et commerciales sur le foncier et la fragilisation du secteur agricole des pays ciblés constituent autant d’effets délétères d’un phénomène qui prend chaque année de l’ampleur.
Si elle frappe de plein fouet les communautés de plusieurs pays du Sud et en particulier ceux d’Afrique et d’Asie, cette dynamique pousse désormais ses ramifications au seuil des pays occidentaux. Les causes qui génèrent l’accaparement des terres valent en effet aussi bien pour ces pays que pour ceux du Sud. À ce titre, les terres agricoles du Québec auraient été convoitées récemment par des investisseurs étrangers. Même si cette information n’a pu être validée jusqu’ici, cela a néanmoins été suffisant pour amorcer une réflexion de fond sur la question.
Le présent rapport de recherche voudrait contribuer à cette réflexion en interrogeant le phénomène de l’accaparement des terres sous deux angles complémentaires qui constituent les parties de ce document. Il s’agit d’abord de circonscrire les caractéristiques générales de cette dynamique mondialisée et d’en approfondir les causes principales. Parmi celles-ci, le poids grandissant exercé par les acteurs financiers et les pratiques spéculatives a été identifié comme étant déterminant. Les investisseurs institutionnels, à commencer par les fonds de pension, font partie des acteurs principaux organisant la ruée vers les terres. Le foncier et les établissements agricoles constituent pour eux des actifs assumant deux fonctions importantes pour la composition de leurs portefeuilles soit celles de couverture et de rendement.
Prenant acte de cette nouvelle donne, le rapport examine en second lieu quelques-uns des dis-positifs institutionnels existant en France et aux États-Unis pour limiter les effets de la spéculation et aménager le foncier de manière à conserver sa multifonctionnalité et son transfert. La description des SAFER, de la Foncière Terre de liens ainsi que des fiducies foncières agricoles permet d’envisager un éventail de solutions dont pourrait s’inspirer le Québec pour consolider sa maîtrise de l’occupation du territoire agricole ainsi que pour structurer les conditions de la relève.
Un fil rouge traverse les deux parties de ce rapport et ouvre sur des considérations stratégiques concernant l’avenir du monde agricole québécois soit le rôle de l’épargne capitalisée dans les interventions présentes et à venir sur le foncier. Ou bien cette épargne est mobilisée par des acteurs privés pour soutirer du foncier le maximum de rendement, comme la dynamique d’accaparement des terres en fournit l’exemple ou bien cette épargne est mise au service de la prospérité du monde agricole en soutenant ses projets de développement et en assurant la pérennité de l’usage de ses établissements. Si c’est ce dernier choix qui apparaît le plus approprié, des dispositifs d’intervention devront être conçus pour compléter « activement » la politique agricole du Québec.