Vers un Pôle des technologies propres
L’établissement d’une cimenterie à Port-Daniel-Gascons représente une occasion de développement non seulement pour la collectivité immédiate, mais bien pour l’ensemble de la région et en particulier pour les MRC du Rocher-Percé et de Bonaventure. Un tel investissement procure déjà des retombées en emplois et un impact économique non négligeables. Cette implantation ne va cependant pas sans dresser des défis majeurs pour la région et pour le Québec tout entier. La cimenterie deviendra le plus gros producteur de gaz à effet de serre (GES) du Québec, ce qui, d’ores et déjà, pose le défi de concevoir et mettre en place une stratégie de mitigation essentielle pour la qualité de l’environnement et indispensable pour que le Québec atteigne ses objectifs de réduction d’émissions. À ce défi d’envergure s’ajoute celui, plus classique, de l’impact d’un grand projet sur la structure économique et sur le modèle de développement local et régional. Les réponses à ces défis peuvent représenter autant d’occasions de développement et d’innovation, à condition d’être abordées et inscrites dans une perspective intégrée. Pour la collectivité, pour le Québec, l’enjeu est tout entier résumé dans une formule : transformer un passif environnemental en avantage stratégique.
Dans un rapport de recherche intitulé Transition énergétique - Amorcer une rupture, l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) a pointé une avenue qui pourrait s’avérer porteuse aussi bien pour le développement local que pour la lutte aux GES. Cette approche participerait à une stratégie d’atténuation du bilan carbone de l’entreprise de cimenterie et viserait à en faire une avenue de développement local misant sur l’innovation et la création éventuelle d’une filière industrielle porteuse. Il existe des procédés technologiques capables de répondre à la captation du CO2 produit par le procédé industriel de la cimenterie. Le choix de ces procédés dépend des positionnements retenus pour le produit final visé. Parmi ceux-là, la technologie dite « Power To Gas » permet, par méthanation, de produire du méthane biogénique et peut s’avérer particulièrement intéressante dans le contexte gaspésien. Par ailleurs, le CO2 capté pourrait aussi être utilisé par de multiples procédés innovants allant de la production d’algues à des molécules chimiques biosourcées.
Des échanges avec le coordonnateur du comité de maximisation des retombées économiques de Port-Daniel−Gascons ont permis d’établir la pertinence d’approfondir la connaissance de ce potentiel technologique et des possibilités qu’il offre pour le développe-ment local et régional afin d’inscrire le projet de cimenterie dans une économie plus sobre en carbone.
Visant à déterminer les orientations à privilégier pour intégrer un projet de valorisation du CO2 de la cimenterie McInnis dans un cadre de développement industriel, le présent rapport entend jeter les bases conceptuelles d’une approche économique intégrée pour entreprendre la création à moyen terme d’une véritable filière verte pour Port Daniel-Gascons. Les scénarios à privilégier suivant les procédés identifiés et le niveau d’avancement technologique de chacune des technologies seront brièvement exposés. Le rapport présente certains des principaux paramètres d’opérationnalisation en plus d’identifier quelques-uns des acteurs et compagnies susceptibles d’avoir de l’intérêt pour une telle approche.
En parallèle, une démarche a été enclenchée visant le développement d’une filière de valorisation de la biomasse. Un premier travail a été réalisé par les responsables de la cimenterie afin d’explorer le potentiel d’approvisionnement en biomasse résiduelle pour ses opérations. Cette étude n’a pas été rendue publique, mais elle a permis de poser quelques jalons utiles à une réflexion sur une approche régionale de la valorisation de la biomasse. Plusieurs des acteurs de l’industrie forestière régionale ont entrepris une réflexion et amorcé des discussions avec la cimenterie McInnis afin d’explorer les voies d’élaboration d’un modèle économique de valorisation de la biomasse résiduelle.
Dans l’état actuel de la réflexion, il apparaît assez clairement qu’une initiative concertée de valorisation de la biomasse résiduelle disponible dans la région pourrait devenir une voie complémentaire pour le développement d’une symbiose industrielle rayonnant autour de Port-Daniel-Gascons. Une approche de développement de filière locale est donc ici évoquée, proposant d’inscrire une telle approche de valorisation de la biomasse disponible dans le cadre global de l’approche ici proposée. Une telle filière complémentaire peut répondre aux besoins locaux en commodités et aux marchés émergents du secteur bio-industriel en plus de servir de levier pour faire émerger des initiatives visant la production à plus haute valeur ajoutée.
Il est entendu que la mise en place d’une filière industrielle – et à plus forte raison d’une filière industrielle à fort contenu d’innovation – est un projet de moyen et long terme. Aussi importe-t-il de rappeler que la mise en route des premières initiatives doit être envisagée au terme d’une réflexion stratégique rigoureuse. En ces matières, la clarté des intentions, la rigueur des démarches et la constance dans le maintien de la cohérence globale de la vision de long terme sont des conditions de réussite essentielles. Il faut donc considérer le présent rapport comme un premier effort exploratoire et non comme une feuille de route définitive. Du travail reste à faire aussi bien au sujet de l’élaboration de la vision que de la concertation des acteurs. L’occasion de développement est à saisir.