La Ville de Montréal, nommée Ville UNESCO de design en 2006, rejoint le réseau des Villes créatives fondé en 2004, réunissant tous les critères exigés, notamment la tenue d’événements culturels prestigieux (comme la Semaine mode de Montréal, le Festival mode et design, le Salon du design, le Salon de l’artisanat, Smart Design, etc.). Cette nomination témoigne d’une volonté de développement de l’économie créative locale, plus spécifiquement du secteur du design en intégrant le design de mode. En tant qu’acteurs du développement sectoriel local, les designers par l’apport de leur créativité et de leur rayonnement travaillent à la restructuration de l’industrie du vêtement. Cela est rendu possible grâce au déploiement de politiques en faveur du secteur et la mise en place de programmes et d’actions stratégiques de changement. L’orchestration de coopérations au sein de l’industrie et chez les acteurs clés du milieu, tels que les groupes de travail et les tables de concertation, permet non seulement de prendre en compte une nouvelle chaîne de valeur, mais encore d’organiser le rayonnement de nouveaux modèles d’affaires. En dépit des divergences d’intérêts qui apparaissent dans les groupes, la motivation des acteurs à créer un projet commun nous amène à explorer de quelle manière les designers, dans un tel contexte, se saisissent d’opportunités pour s’imposer dans leurs carrières. Nous observons alors la manière dont ces créateurs se singularisent pour être reconnus, mais également, le rôle des acteurs intermédiaires, du cercle de la mode, leur permettant d’espérer une certaine renommée.
L’analyse des coopérations du milieu nous permet d’apprécier les enjeux de légitimation du champ de la mode et la reconnaissance de designers réputés. C’est en prenant en compte les interactions en direction de la médiation ou celles en direction de la médiatisation que nous distinguons deux logiques d’action. La première accompagne l’aspect entrepreneurial du métier et la deuxième, son aspect créatif et culturel. Le rayonnement de la Ville de mode se présente comme le projet commun, le monde de la mode, lequel repose sur la visibilité créative des designers et la mobilisation des acteurs. Quant au projet de la Grappe de mode, il répond à des préoccupations économiques et industrielles et nous met en présence d’un monde pluriel de la mode.
À partir de témoignages recueillis et en adoptant une démarche compréhensive, nous dégageons un idéaltype : le paradoxe de Janus, les multiples facettes du designer à la fois créateur et entrepreneur. Puis nous examinerons comment le designer s’engage dans sa carrière, et ce qui motive ses choix quant aux incertitudes du métier. Au final, nous proposons une typologie des trajectoires en régime de réputation. Celle-ci repose sur l’observation des manières d’agir, des étapes de carrière caractérisées par le degré de reconnaissance, les aides du milieu (médiation et médiatisation), mais également sur l’inscription culturelle ou industrielle du métier (créateur, entrepreneur). La ville devient la scène sur laquelle se joue cette course à la renommée de professionnels créatifs renforcée par l’essor de l’économie créative qui prétend répondre aux malaises sociétaux et à la crise des industries traditionnelles.
Mots-clés : Réputation, designers de mode, singularisation, industrie, agir créatif et marchand, Ville créative.