Dimension internationale de la politique de la concurrence du Canada : de la concurrence à la compétitivité (le cas des télécommunications)

Les politiques de la concurrence ont toujours suscité des débats d’ordre juridique, d’une part, et d’ordre économique, d’autre part. Depuis le début des années 80, ces débats sont considérablement affectés par la globalisation économique. L’internationalisation des entreprises nécessite d’aborder les problèmes de concurrence à un niveau plus large que celui de la nation. Toutefois, comme il n’existe pas de règles communes ni d’institutions supranationales, c’est par les États nationaux et les règles qu’ils élaborent en commun que le problème est abordé. Cette étude porte essentiellement sur la nature et l’incidence du processus d’internationalisation des cadres réglementaires de la concurrence. Elle montrera que le développement de la dimension internationale de la politique de la concurrence du Canada lui confère un rôle stratégique qui vise tout autant à accroître la compétitivité des entreprises canadiennes au sein de l’économie mondiale qu’à créer un environnement juridique international stable et prévisible qui soit propice à leur développement. Le Canada est un pays qui a toléré un très haut niveau de concentration économique. La petite taille du marché canadien et l’inefficacité de la politique de la concurrence sont deux éléments qui ont favorisé le processus de concentration au Canada. Dans les années 80, l’ensemble de la politique économique canadienne fut réorienté vers la libre concurrence et le libre-échange et l’adoption de la Loi sur la concurrence a complètement modifié la politique de la concurrence du Canada en mettant la priorité sur les objectifs d’efficacité et de compétitivité des entreprises canadiennes et en accordant un rôle accru à la concurrence internationale pour garantir l’existence d’une concurrence effective sur le marché canadien. Elle déborde aussi du cadre du marché national pour atteindre les pratiques anticoncurrentielles transfrontalières. Par conséquent, on constate que la nouvelle politique de la concurrence comporte une dimension stratégique qui a des incidences non seulement au Canada mais aussi au niveau international. À l’échelle de l’économie mondiale le problème reste entier puisque les instruments de coopération internationale sont nettement insuffisants face aux pratiques anticoncurrentielles des entreprises, mais aussi face à la concurrence systémique qui oppose les politiques de la concurrence élaborées et administrées par les États. En outre, nous avons constaté que la convergence des approches nationales en matière de concurrence favorise l’utilisation stratégique des politiques de la concurrence et que ce type de convergence est incompatible avec le développement de règles et mécanismes réglementaires de la concurrence adaptés aux nouvelles conditions de la concurrence et aux nouvelles pratiques anticoncurrentielles. Le secteur des télécommunications, que nous avons choisi pour situer le rôle de la politique de la concurrence dans un secteur spécifique, est certainement celui qui illustre le mieux combien il importe de passer d’une conception nationale à une conception globale de la concurrence et les limites d’un droit économique international fondé sur la libre concurrence et le libre-échange. Le nouveau régime international des télécommunications met en concurrence de nouvelles stratégies des entreprises et des États. En adoptant le modèle concurrentiel et d’accès au marché, les États ont créé un environnement de marché qui a paradoxalement favorisé un mouvement vers la concentration industrielle. Dans ce contexte, la politique de la concurrence joue un rôle stratégique important à travers lequel les États tentent de favoriser la performance des entreprises nationales dans une nouvelle industrie globale des télécommunications. C’est ce qui se dégage de notre étude de la politique de la concurrence du Canada dans le secteur des télécommunications.

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