L‟objectif de la thèse est de développer un modèle de projection démographique à petite échelle géographique. Plus spécifiquement, le modèle développé se nomme Local Demographic Simulations (LDS) et s‟applique aux municipalités de la Communauté Métropolitaine de Montréal. L‟un des principaux défis des projections à petite échelle géographique concerne la modélisation de la mobilité interne, c‟est-à-dire entre les municipalités. La difficulté repose en premier lieu sur les petits effectifs souvent rencontrés, qui soumettent les observations à une forte volatilité, et en second lieu sur l‟importance des facteurs contextuels, qui peuvent avoir une forte influence sur les décisions. Une fine compréhension des déterminants de la mobilité intramétropolitaine et de la localisation résidentielle est ainsi essentielle à la modélisation de ces phénomènes à des fins de projection, ceux-ci ne pouvant se modéliser de manière strictement démométrique comme le font la plupart des projections démographiques traditionnelles à l‟échelle régionale ou nationale.
La thèse est divisée en trois volets. Le premier s‟attarde plus spécifiquement sur les déterminants individuels de la mobilité intramétropolitaine et cherche à identifier, par régressions logistiques basées sur la question sur le lieu de résidence un an auparavant du recensement de 2006, les caractéristiques agissant sur la probabilité de migrer entre la ville centre et une ville de la banlieue de la région métropolitaine de Montréal. Les facteurs tels que l‟âge, la langue parlée à la maison et la structure familiale sont ressortis comme étant les plus importants, alors que le statut de minorité ne s‟est pas révélé statistiquement significatif après contrôle statistique, laissant croire que le phénomène du « white flight » observé dans les métropoles américaines n‟est pas présent à Montréal, mais trouve un écho au niveau de la variable linguistique que l‟on a nommé « french flight ».
Le second volet, quant à lui, étudie la question des déterminants contextuels de la localisation résidentielle des migrants, c‟est-à-dire qu‟il cherche à déterminer les caractéristiques des municipalités qui agissent sur leur niveau d‟attractivité pour les migrants. Suivant l‟approche de l‟utilité aléatoire au moyen de régressions logistiques conditionnelles appliquées sur la municipalité de résidence des migrants de Montréal vers la banlieue au Recensement de 2006, les analyses montrent que la composition linguistique et la composition familiales des municipalités sont des facteurs déterminants du choix de la municipalité de résidence, alors que le statut de minorité visible a moins d‟influence. L‟accessibilité aux services, de même que l‟offre de logements, ressortent également comme facteurs déterminants.
Finalement, le troisième volet est l‟aboutissement de la thèse : la construction du modèle de projection démographique à petite échelle géographique et de scénarios prospectifs et prévisionnels. Le modèle développé, intitulé Local Demographic Simulations (LDS), utilise la microsimulation, est dynamique et est basé sur le temps. L‟horizon temporel de la projection est de 2006 à 2031 et la population de départ est celle de la version longue du Recensement de 2006, dont la pondération est calibrée sur les estimations de population.
Un indice de fécondité local propre à chaque municipalité est estimé en combinant la méthode des enfants au foyer et une technique de simulation basée sur les observations. Deux types de modélisation de la mobilité interne et la localisation résidentielle des nouveaux arrivants ont été développés et ont généré deux versions du modèle LDS. La première version du modèle, intitulé LDS – Origin, reprend directement l‟approche développée dans les deux premiers volets, c‟est-à-dire que la région métropolitaine est divisée entre la ville centre et les banlieues et les migrants sont stratifiés selon le type d‟origine et de destination. Une municipalité spécifique de destination est ensuite attribuée suivant l‟approche de l‟utilité aléatoire en fonction des caractéristiques alternatives possibles, notamment le nombre de nouveaux logements, la taille de la population, la distance avec le centre-ville et la composition linguistique. La seconde version a ensuite été développée pour répondre spécifiquement à la possibilité de concevoir des scénarios alternatifs concernant le nombre de nouveaux logements. Intitulée LDS – Life Cycle, celle-ci stratifie les migrants selon le cycle de vie plutôt que selon l‟origine et la région métropolitaine n‟est plus divisée en ville centre et banlieues, ce qui permet d‟inclure la municipalité d‟origine comme alternative possible. Les hypothèses relatives aux autres événements démographiques sont généralement reprises ou sont inspirées d‟autres projections (notamment en ce qui concerne le nombre d‟entrants et d‟immigrants) à des fins de comparabilité. Concernant le nombre de nouveaux logements, le scénario de référence s‟inspire du plan d‟aménagement de la Communauté Métropolitaine de Montréal. Deux scénarios alternatifs faisant varier le potentiel de développement dans les banlieues et l‟Île de Montréal sont également conçus pour tester l‟impact d‟un changement des plans d‟aménagement sur la distribution spatiale future de la population. La comparaison de ces trois scénarios fait ressortir l‟importance d‟inclure le nombre de nouveaux logements comme paramètre de projection.
Une première validation de LDS est faite en comparant la population simulée en 2011 aux estimations de population. Celle-ci montre que les résultats produits sont satisfaisants, puisque le pourcentage d‟erreur moyen en valeur absolue est faible pour la plupart des municipalités. Une seconde validation est également faite en comparant les résultats obtenus en 2031 à ceux d‟autres projections.
Étant donné son importance pour la modélisation de la migration interne, la langue parlée à la maison est également présente comme variable de projection et par conséquent, des hypothèses de changement de situation sont établies, suivant la méthode transversale appliquée au recensement. Le modèle LDS permet ainsi d‟effectuer des projections démolinguistiques à l‟échelle municipale. Les résultats à cet égard montrent un déclin généralisé de la proportion de francophones, tant dans les banlieues que sur l‟Île de Montréal.