La courbe de Phillips de long terme et les rigidités salariales : un test de la conjecture de Tobin

Ce mémoire cherche à vérifier si la courbe de Phillips de long terme possède une pente négative pour des taux d’inflation faibles, c’est-à-dire si une réduction permanente du taux d’inflation requiert une hausse aussi permanente du taux de chômage. La justification théorique de l’existence d’une telle relation d’arbitrage à long terme entre l’inflation et le chômage repose sur une contrainte imposée à l’homogénéité classique dans les prix. La contrainte étudiée ici est la résistance des salaires nominaux à encaisser des corrections négatives. Cette hypothèse fut initialement proposée par Tobin (1972) et étudiée empiriquement par Akerlof, Dickens et Perry (1996) pour les États-Unis et par Sargent et Djoudad (1997) pour le Canada. Nous nous distinguons de ces derniers par une approche théorique et économétrique plus simple, par l’estimation d’une courbe de Phillips des salaires plutôt que des prix et par l’addition de certaines variables explicatives, comme la taxation directe, le salaire minimum relatif et la croissance retardée des salaires. L’estimation de notre courbe de Phillips salariale est effectuée à partir des données macroéconomiques annuelles canadiennes pour la période 1956-97. La validation statistique de notre approche repose sur les tests d’exclusion et d’adéquation habituels, sur la simulation statique et dynamique du modèle estimé et sur un test d’hypothèse applicable à des modèles non imbriqués. Il ressort de cette batterie de tests que la validité du modèle non linéaire de type Tobin ne peut être rejetée, tandis que le modèle linéaire standard est, quant à lui, décisivement rejeté. Les paramètres estimés dans le modèle non linéaire retenu indiquent qu’à long terme le taux de chômage minimum soutenable (TCMS) pour le Canada serait actuellement d’environ 6,6 %, mais avec un écart-type assez important de 0,9 point de pourcentage. Si on désirait réaliser un taux de chômage d’équilibre légèrement supérieur à ce niveau, soit 7%, il faudrait accepter un taux d’inflation permanent pouvant aller de 4% à 6%. Cela veut dire que la cible d’inflation canadienne officielle de 2% pourrait constituer un obstacle à la réalisation d’un taux de chômage permanent plus bas. À tout le moins, l’incertitude actuelle entourant la nature de l’arbitrage inflation-chômage à bas taux d’inflation commande la prudence dans l’élaboration de la politique monétaire.

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