La société par actions, son fonctionnement, sa structure de gouvernance et les rapports qui y prennent forme procèdent de présupposés issus de l’orthodoxie économique. En particulier, la séparation des fonctions de propriété et de décision est à l’origine de conflits d’intérêts entre les dirigeants et les actionnaires. Par défaut, la nature intrinsèquement conflictuelle des relations requiert une série de mécanismes de gouvernance afin de discipliner les dirigeants et les contraindre à agir dans l’intérêt des actionnaires. Sous cet angle, le régime de rémunération des dirigeants est le paramètre privilégié pour l’évaluation de l’efficacité de la structure de gouvernance puisqu’il en mobilise l’ensemble des mécanismes. Conséquemment, la rémunération est l’aboutissement d’un jeu d’interactions complexes entre différents mécanismes complémentaires et non exclusifs.
L’objectif de cette thèse est de procéder à une évaluation critique des prédicats explicatifs et normatifs de la théorie économique en matière de pratiques et de politiques de rémunération des dirigeants. Ce faisant, la problématique de la rémunération concrétise des préoccupations relatives à la finalité de l’entité juridique, à l’incitation, à la régulation de l’agir ainsi qu’à la performance contractuelle au sein de l’organisation. Cependant, la conception économique de la gouvernance s’accommode mal de l’altérité qui anime parfois la société par actions et les relations contractuelles qui s’y nouent. Pour cette raison, des ajustements permettent de rapprocher les différents instruments de gouvernance à une réalité observée où d’autres hypothèses comportementales et d’autres contraintes normatives permettent un meilleur encadrement de l’agir et du pouvoir du dirigeant. De la sorte, notre approche envisage la rémunération des hauts dirigeants en droit des sociétés par actions comme un procédé de coopération à la croisée du contrat, du droit et de l’éthique.