La sécurité sociale lors de tranferts d'employés aux États-Unis et en France

Depuis quelques décennies déjà, la globalisation des marchés amoindrit peu à peu l’importance des frontières politiques que se sont données les pays. La vie économique ne respecte plus aucune frontière, qu’elle soit légale, politique, culturelle ou autre. Pour être compétitives, les entreprises doivent faire des affaires partout à travers le monde. Cependant, il est loin d’être aisé pour ces entreprises de naviguer à travers plusieurs législations étrangè-res qui diffèrent grandement les unes des autres. En effet, comment savoir quelles règles respecter lorsqu’on ignore jusqu’à leur existence, comment être certain que l’on a rempli tou-tes les exigences administratives dans les délais, comment être certain du traitement qui sera accordé aux employés mutés à l’étranger en regard des législations du pays d’origine ainsi que de celles du nouveau pays de travail ? Ce ne sont là que les premières questions d’une interminable liste d’interrogations qui se dresse devant les entreprises qui doivent muter des employés à l’étranger. Ce genre de problématique ne s’adresse plus seulement aux multinationales qui ont des ramifications partout à l’étranger. De plus en plus de petites et de moyennes entreprises font affaires avec de nombreux pays du monde entier. Leur petite taille leur permet de réagir et de s’ajuster plus rapidement aux changements que les grandes entreprises. Malheureusement, cet avantage s’accompagne souvent de compétences en gestion et en administration moins importantes et de ressources financières également moindres. Ces entreprises disposent donc de beaucoup moins de ressources et de temps à consacrer aux nombreuses tracasseries administratives qui surviennent dans les cas de transferts internationaux d’employés. Lors d’expériences d’affaires à l’étranger, ces entreprises se buteront inévitablement à l’inflexibilité et à la complexité qui caractérisent habituellement les administrations publiques. Le rêve de faire des affaires à l’étranger peut présenter certaines difficultés si on ne tient pas compte des problèmes causés par la mauvaise interaction qui surviendra presque inévitablement entre les administrations fiscales des divers pays. La non-harmonisation des lois fiscales représente donc une importante barrière à la croissance des entreprises d’ici et d’ailleurs. De nombreux ouvrages fiscaux ont traité des problèmes reliés au statut de résident ou de non-résident des employés mutés à l’étranger ainsi que des nombreuses possibilités de planification tant au niveau de la rémunération à offrir à ces personnes, qu’au niveau des au-tres sources de revenus qu’un particulier peut gagner. Cependant, aucun texte n’a traité en profondeur des problèmes soulevés par les chevauchements des législations en matière de sé-curité sociale des différents pays impliqués lors d’un transfert d’employés à l’étranger. Il n’existe pas non plus de service gouvernemental d’aide aux employeurs qui cherchent à ex-patrier leurs employés. Il faut faire des démarches auprès de chacun des organismes respon-sables de chaque programme. Les entreprises doivent donc faire leur apprentissage elles-mêmes, ce qui donne souvent lieu à des expériences douloureuses et coûteuses, autant pour l’employeur que pour les employés impliqués. Les problèmes causés par les législations sur la sécurité sociale sont d’autant plus graves que cette forme de taxation est devenue une importante source de revenus pour les gouvernements, particulièrement dans certains pays d’Europe. En France, par exemple, les contributions au régime de sécurité sociale représentaient, en 1993, 44,6 % de toutes les taxes et impôts prélevés dans ce pays. Le fardeau est loin d’être le même d’un pays à l’autre. En 1992, les contributions de sécurité sociale prélevées au Canada équivalaient à 5,1 % du salaire brut moyen pour un travailleur. Aux États-Unis, ce pourcentage était de 7,7 % et en France, il était de 18 %. La question de savoir quel régime public s’appliquera à un expatrié est donc très importante et peut représenter plusieurs milliers de dollars par année pour chaque employé transféré. Le Canada et le Québec ont signé des ententes en matière de sécurité sociale avec de nombreux pays afin de réduire les chevauchements et les injustices, mais ces ententes ne rè-glent pas tous les problèmes, comme nous pourrons le constater plus loin dans cet ouvrage. Le but de cet essai est d’offrir aux entrepreneurs, dirigeants d’entreprise ou employés transférés un ouvrage qui traitera de la plupart des règles et des problèmes reliés aux différentes lois sur la sécurité sociale, tant fédérales que provinciales, avec lesquelles nous devons vivre au Québec. Cet essai comportera également une réflexion sur ce qui a été fait à ce jour pour faciliter les activités outre-frontières de nos entreprises québécoises et sur ce qui pourrait encore être fait pour améliorer la situation. Nous concentrerons toutefois notre ana-lyse sur la situation qui prévaut entre le Québec et les États-Unis et la France. Il s’agit là de deux des plus importants partenaires économiques du Québec. Pour commencer, nous résumerons les règles d’application des lois en matière de sé-curité sociale au Québec, incluant les règles déjà prévues dans ces lois pour les personnes qui vont travailler à l’étranger. Trois lois fédérales et cinq lois provinciales seront analysées : la Loi sur le régime de pensions du Canada , la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi con-cernant l’assurance-emploi au Canada, la Loi sur le régime des rentes du Québec, la Loi sur la santé et la sécurité au travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies profession-nelles, la Loi sur l’assurance-maladie ainsi que la Loi sur la régie de l’assurance-maladie du Québec. Après avoir effectué un tour d’horizon des lois qui régissent la sécurité sociale dans les trois pays que nous avons choisi d’étudier, nous analyserons le contenu des ententes en matière de sécurité sociale qui ont été conclues avec ces pays, soit les ententes Canada-États-Unis, Canada-France, Québec-États-Unis et Québec-France. Nous expliquerons ensuite les démarches administratives à effectuer pour se prévaloir de ces ententes. Par la suite, nous discuterons des problèmes qui subsistent en pratique pour les entre-prises et leurs employés malgré l’existence de mécanismes pour éviter les chevauchements et les injustices. Nous tenterons ensuite de trouver des pistes de solutions possibles à ces problèmes.

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