Les peuples autochtones ont un profond lien d’attachement au territoire. Cette relation particulière reste mal comprise et se retrouve souvent au cœur de conflits et de mésententes. Elle est également compromise par les nouvelles formes de développement et d’occupation du territoire depuis les premiers contacts avec les Eurocanadiens. De tous les enjeux concernant la gouvernance du territoire et des ressources naturelles en contexte autochtone, celui du rôle et de la place des femmes autochtone dans ces dynamiques demeure l’un des plus méconnus. Ce projet de recherche visait à identifier le rôle des femmes Atikamekw sur le territoire et leur place dans la gouvernance locale et territoriale, leurs perceptions de l’état du territoire ainsi que leurs préoccupations face aux savoirs qui s’y rattachent. Les outils de collecte de données ont été élaborés conjointement avec les femmes Atikamekw, ce qui leur a permis d’influer de façon significative sur l’approche de la recherche à laquelle elles allaient participer. Cette recherche montre que les femmes Atikamekw ont toujours un fort lien d’attachement au territoire, qu’elles ont dû s’adapter rapidement aux transformations de leur mode de vie, qu’elles tiennent à perpétuer la transmission des savoirs, qu’elles ont un rôle à jouer dans la prise de décisions et qu’elles valorisent le leadership politique des femmes.
Des thèmes inattendus ont émergé de l’analyse thématique de 32 entrevues semi-dirigées, en lien avec la filiation et la transmission des savoirs et des valeurs dont le fondement était le territoire : l’organisation sociale (mariage, adoption coutumière et famille), les grossesses et les accouchements sur le territoire, les sages-femmes, le lieu d’origine, le nom traditionnel, l’éducation et les pensionnats. Les femmes Atikamekw ont une bonne connaissance du mode de vie de leurs ancêtres et spécifiquement du rôle que les femmes y jouaient dans la gouvernance, que ce rôle était prédominant et essentiel dans les domaines liés à l'organisation spatiale des activités traditionnelles sur le territoire, que les accouchements/naissances sont des marqueurs temporels importants, que la nomination du lieu d’origine s’est modifiée suite aux bouleversements sociaux et territoriaux, que l’identification par le nom traditionnel est toujours en usage et demeure importante, que l’éducation est valorisée par les femmes Atikamekw, qui en assumaient historiquement une large part, et enfin, que les femmes Atikamekw ont été affectées, directement ou indirectement, par l’expérience des pensionnats. Cette recherche a ainsi fait ressortir des facettes méconnues du lien d’attachement au territoire des femmes Atikamekw.
Des pistes de solutions ont été identifiées pour : (1) assurer une place aux femmes dans la gouvernance, telles que la tenue de consultations particulières et une plus grande implication des femmes dans les mécanismes de prise de décision; (2) atténuer le sentiment d’insécurité territoriale et culturelle par la transmission des savoirs et par une plus grande protection du territoire et (3) mettre en valeur les savoirs sur la gestion du territoire afin de maintenir et renforcir le lien avec ce dernier. La clé pour atteindre ces objectifs réside dans un « retour à l’équilibre » selon les femmes Atikamekw.
Mots clés : Lien au territoire, savoirs autochtones, femmes autochtones, peuple Atikamekw, gouvernance, recherche collaborative, Québec, Canada.