Après avoir examiné l'économie politique de la solidarité arabe, cette analyse explore un facteur théorique fondamental pour comprendre la relation entre la solidarité arabe et le développement de la politique commerciale du Conseil de Coopération du Golfe. Le cadre conceptuel de l'État rentier développé par Mahdavy (1970) et plus tard par Beblawi et Luciani (1988) soutient que l'économie d'un État rentier dépend des revenus tirés d'une rente externe, ce qui crée une désintégration du secteur manufacturier et un exode des capitaux vers les pays industrialisés. Par conséquent, les relations économiques avec les pays industrialisés sont plus importantes que l'accès au marché régional afin de garantir une multitude de partenaires économiques ainsi qu'un accès aux produits manufacturés des pays industrialisés. C'est pourquoi, selon la théorie de l'État rentier, l'augmentation spectaculaire de la richesse pétrolière a grandement diminué ou même détruit toute possibilité de sérieuse intégration panarabe. Cela dit, l'objectif principal de cette analyse est d'étudier empiriquement la structure des exportations, des importations et des investissements du CCG dans le cadre plus large des politiques commerciales du Conseil de coopération du Golfe afin de clarifier l'idée que la rente pétrolière sert le développement économique de la région au nom de l'unité de la nation arabe.
Par l’entremise de cette recherche empirique, certains aspects des politiques commerciales et financières du CCG ont été constaté. Malgré l'adoption de projets et d'accords prônant la libéralisation du commerce interarabe, tel que l'Accord sur la facilitation et le développement du commerce entre les États arabes de 1981 ou l'établissement de la grande zone de libre-échange arabe en 1997, le volume des exportations du CCG vers les économies à revenu élevé ou l'Asie montrent que la majorité des exportations et des importations du CCG, étant principalement composées d'hydrocarbures pour les exportations et de produits manufacturés et de luxe pour les importations, proviennent d'économies industrialisées à revenu élevé ou d'économies à croissance rapide (la Chine et l'Inde). De plus, l’étude des IDE du CCG démontre que malgré une augmentation des IDE du Golfe vers le monde arabe depuis les années 1990, les investissements du Golfe sont principalement dirigés dans le système financier des États industrialisés occidentaux face aux dynamiques de l'épuisement des ressources. Dans l’architecture des flux financiers, les fonds souverains du CCG répondent à la nécessité de garantir l'épargne intergénérationnelle, mais aussi de faire face à la volatilité des prix sur les marchés mondiaux. Par contre, ils couvrent une fonction politique sous-jacente. Par leur structure ainsi que l’investissement d’une portion de la rente pétrolière sur les marchés financiers, les membres du CCG s’assurent un substitut à la rente pétrolière, de façon à garantir la pérennité d’une constellation de mécanismes politiques et économiques qui permet aux pétromonarchies de maintenir le statu quo tant au niveau de la politique et économique interne (structures rentières et monarchie par exemple) qu’au niveau régional et international (géopolitique).