Risque, Réputation et Signalisation par le Dividende

Notre but était d'élargir les applications de la théorie du signal en montrant comment le risque et la réputation des firmes sont signalés au marché via les annonces de dividendes. Nous avions deux grands objectifs : 1- sur le plan théorique, analyser les effets du risque et de la réputation sur l'équilibre de signalisation et 2- sur le plan empirique, de vérifier si la réaction du marché à l'annonce d'une augmentation inattendue du dividende est conditionnée par des facteurs de risque et de réputation. Pour atteindre nos objectifs, nous avons d'abord construit un modèle de signalisation par le dividende dans lequel le risque est explicitement pris en compte. Par la suite nous avons élaboré et réalisé une étude empirique sur les marchés canadiens dans le but de vérifier les principales conclusions du modèle de signalisation qui précède. Enfin, dans le but de donner plus de profondeur et de mieux comprendre les résultats des deux étapes précédentes, nous avons construit un modèle de signalisation dans lequel la réputation sert de lien d'une décision de dividende à l'autre. Nos principaux résultats sont les suivants : 1- Le modèle de signalisation par le dividende qui tient compte du risque nous a permis de justifier l'utilisation d'une politique de dividende résiduelle et le recours à un dividende extraordinaire : les firmes les moins bonnes pour chaque niveau de risque n'auront aucun avantage à se signaler; elles adopteront une politique de dividende résiduelle et une politique optimale d'investissement. Dans ce cas, chaque dividende sera qualifié d'extraordinaire pour éviter que les investisseurs se créent des attentes. Les autres firmes auront une politique de dividende stable et, sous certaines conditions, elles pourront avoir une politique optimale d'investissement. 2- Dans le même contexte, le risque inhérent à la variabilité des flux monétaires a un rôle important à jouer pour l'atteinte d'un équilibre : le niveau optimal du dividende sera une fonction inverse de la variabilité du flux. De plus, la réaction du marché à l'annonce d'une hausse inattendue du dividende sera une fonction positive de ce même risque. 3- La prise en compte du concept de réputation permet aussi d'obtenir un équilibre de signalisation par le dividende. Cet équilibre nécessite que les investisseurs révisent leurs croyances quant à la rentabilité future des projets de la firme (type de la firme) lorsque celle-ci annonce et paie un dividende. De plus, la stratégie optimale des manageurs sera de payer un dividende qui croît dans le temps à partir du moment où toute l'information dont ils disposent est favorable. 4- L'équilibre avec réputation est caractérisé par l'absence de coûts de signalisation. Les préoccupations liées à l'établissement et au maintien d'une bonne réputation, jumelées à la formation des croyances, la fonction-objectif et la stratégie optimale des manageurs assurent l'atteinte de l'équilibre. L'absence de coûts de signalisation ne permet pas nécessairement à un manageur de dévier de la stratégie optimale, car les croyances des investisseurs hors équilibre doivent être pris en compte dans le calcul de sa fonction-objectif. Toute déviation entraîne donc une baisse de sa rémunération. En fait, l'équilibre repose sur la vraisemblance de la fonction-objectif des manageurs. Dans notre cas nous avons supposé une fonction-objectif qui incite le manageur à accorder de l'importance au prix de l'action à chaque période. 5- La prise en compte de la réputation ne modifie pas les conclusions quant aux relations entre, d'une part, le niveau de dividende optimal et la variabilité du flux de la firme et, d'autre part, entre la variabilité du flux et la réaction du marché à l'annonce du dividende. 6- Pour la première fois, nous avons pu établir que les deux relations mentionnées au point précédent se manifestent dans les faits au Canada, alors qu'elles n'ont pu l'être selon l'unique étude d'Eades [1982] aux Etats-Unis. Quant aux recherches futures dans le même domaine qui nous semblent valables, mentionnons d'abord qu'elles devraient élucider, au niveau empirique, la relation existant entre le risque et la réaction du marché, car celle-ci s'avère bien ambiguë. Seule jusqu'ici notre étude et celle d'Eades ont tenté de vérifier cette relation et elles arrivent à des conclusions différentes. Nous croyons que cette disparité réside dans l'adoption de mesures empiriques classiques du risque qui s'écartent du risque perçu par les investisseurs. Une mesure de risque perçu est pratiquement impossible à obtenir. Cependant, la relation entre le risque et la réaction du marché pourrait être testée en modulant les résultats selon la réputation de la firme. Une mesure de réputation n'est pas plus facile à trouver, mais il existe des indicateurs qui peuvent être utilisés comme approximation de cette mesure. Par exemple, la revue FORTUNE classe chaque année les firmes en fonction de la bonne ou de la mauvaise réputation aux yeux des grands manageurs américains. D'autres mesures (existantes ou à concevoir) pourraient être utilisées. Comme deuxième avenue prometteuse, il nous apparaît qu'il serait aussi intéressant de réanalyser le problème de la réputation non plus uniquement en se limitant aux stratégies pures, mais en considérant les stratégies mixtes. Les résultats d'un tel effort permettraient probablement d'expliquer encore mieux pourquoi certaines firmes paient des dividendes et d'autres pas. En troisième lieu, enfin, nous croyons qu'il serait opportun d'analyser la signalisation avec de multiples signaux dans un contexte de réputation, avec l'espoir d'établir encore plus fermement pourquoi le dividende constitue un signal judicieux pour la firme.

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