L’engouement médiatique, politique et social, voire même artistique, qui s’est forgé pour le bâtiment durable depuis quatre décennies s’est transformé progressivement en une obligation que les différents acteurs de nos sociétés modernes doivent maintenant prendre en considération. Ainsi, nous nous sommes permis de proposer la question suivante : « Comment a émergé et s’est développée la mesure de la performance du bâtiment durable ? ». C’est la question principale de cette thèse doctorale. Dans notre recherche, nous nous appuyons sur les constats de certaines lacunes dans les domaines théorique et pratique.
Sur le plan théorique, il semble qu’il n’y ait pas de recherche connue au Québec qui traite particulièrement du développement de la mesure de performance du bâtiment durable. Et malgré les bénéfices concrets réalisés et les motivations clés de l’intégration de ces mesures, plusieurs défis sont reliés à leur développement et à leur application sur le plan pratique. Dans ce contexte, et dans le but de pallier ces diverses lacunes, nous avons choisi de centrer notre réflexion sur l’étude de la mesure de performance du bâtiment durable à l’échelle internationale pour mieux saisir les particularités de son développement spécifique au Québec. Concrètement, nous cherchons à comprendre, dans cette recherche, comment a émergé et s’est développée la mesure de performance du bâtiment durable tant à l’échelle internationale qu’au Québec ?
Ce travail s’inscrit dans une posture épistémologique positiviste se reflétant dans une démarche prédominante de description. L’ensemble de la méthodologie repose sur une démarche d’analyse qualitative avec une logique de raisonnement abductive. Nous avons eu recours à quatre théories complémentaires : la théorie de processus, la théorie de contenu, la théorie de diffusion et d’adoption de l’innovation et la théorie institutionnelle. Nous avons procédé d’abord à l’analyse de la littérature académique sur les contraintes et les motivations. Ce qui a permis d’identifier les facteurs d’explication de l’évolution de la mesure de performance à l’échelle internationale. Par la suite, quarante-cinq entrevues semi-directives ont été conduites auprès des praticiens-experts immobiliers impliqués dans le bâtiment durable au Québec, entrevues transcrites et codées en deux étapes avec le logiciel d’analyse textuelle Nvivo.
Notre recherche a permis d’identifier la présence de 649 outils de mesure de la performance de bâtiments à l’échelle mondiale et de 506 certifications dont les plus importantes au plan international sont LEED, BOMA BESt, HQE, BREEAM, CASBEE, DGNB, etc. Elle a aussi permis d’expliquer le processus de développement « complexe » et « héréditaire » de ces certifications qui se fonde sur un modèle « itératif » s’articulant en trois phases fondamentales. La première phase consiste en l’émergence de systèmes de notation mettant l’accent sur les aspects environnementaux. La deuxième phase montre l’intégration des aspects économiques dans les systèmes de notation. Enfin, la troisième phase marque la prise en considération des dimensions sociales et culturelles dans les nouvelles versions des systèmes de notation. Et par le biais de notre recherche, nous avons pu identifier les caractéristiques qui expliquent l’adoption des deux certifications de bâtiment durable les plus utilisées au Québec et au Canada, soit LEED et BOMA BESt. Ces derniers sont diffusés grâce aux caractéristiques suivantes : l’avantage relatif, la simplicité et l’observabilité des résultats.
Nos constats démontrent cependant que le seuil de certification des bâtiments y demeure peu élevé ; le nombre d’immeubles certifiés ne dépasse pas un pour cent (1 %) de l’ensemble du parc existant. Nous avons analysé les raisons qui expliquent ce faible taux. Ce qui nous a permis d’identifier trente-sept facteurs de motivation et vingt-quatre facteurs obstacles à l’intégration des pratiques et des indicateurs durables avec une prégnance des facteurs économiques et financiers. Les résultats de cette étude recouvrent des recommandations aussi bien pratiques qu’académiques et constituent un noyau autour duquel se greffe l’engouement des pratiques et des mesures de la performance durables. Enfin, le processus d’évolution de l’immobilier est marqué par un passage du concept du bâtiment « vert » à celui « durable », pour aboutir enfin au bâtiment « sain ».
Mots clés : processus d’évolution, mesure de la performance, indicateurs et pratiques durables, bâtiment durable, certification, obstacles et motivations.