Analyse statistique de la pauvrete et des inegalites

Malgré les larges écart-types estimés dans plusieurs études de pauvreté et d’inégalités empiriques, la plupart des études dans ce domaine n’ont pas recours à l’inférence statistique. Deux types d’inférence sont généralement utilisés pour les mesures de pauvreté et d’inégalités: les distributions asymptotiques et le bootstrap. Bien que ces méthodes puissent ne pas être toujours fiables, aucune étude n’a encore proposé de méthode d’inférence exacte valide pour de tels problèmes. Nous proposons de telles méthodes.

Dans le premier article, nous construisons des bandes de confiance pour des fonctions de distribution en inversant des tests d’adéquation basés sur des statistiques de Kolmogorov-Smirnov (KS) standardisées et améliorées. Le test de KS, bien que populaire, ne permet pas de discriminer grandement entre les distributions qui diffèrent le plus dans les queues. Pour corriger ce problème, des statistiques de KS pondérées basées sur les principes de Wald, du multiplicateur de Lagrange et du ratio de vraisemblance ont été proposées respectivement par Anderson et Darling (1952), Eicker (1979) et Berk et Jones (1979). Toutefois, ces dernières souffrent de problèmes dus à leurs dénominateurs qui peuvent être proches de zéro. Pour y remédier, nous proposons des statistiques de KS améliorées obtenues en ajoutant un terme de régularisation au dénominateur des statistiques d’Anderson-Darling et d’Eicker. Nous en déduisons des bandes de confiance exactes pour les fonctions de distribution et montrons que, dans le cas continu, ces bandes de confiance sont indépendantes de la distribution testée sous l’hypothèse nulle et qu’elles sont conservatrices dans le cas non continu tout en bénéficiant de propriétés de monotonicité qui améliorent les bandes de confiance sans altérer leur fiabilité.

Dans les deuxième et troisièmes articles, nous proposons des intervalles de confiance exacts pour les mesures de pauvreté de Foster, Greer et Thorbecke (FGT, 1984) et les mesures d’inégalités les plus populaires, respectivement. Nous observons d’abord que ces mesures peuvent se réécrire comme des fonctions de moyennes de variables aléatoires, ces dernières étant elles-mêmes des fonctionnelles de fonctions de distribution de variables bornées et non bornées. Ensuite, nous utilisons des techniques de projection pour déduire des intervalles de confiance à distance finie pour la moyenne d’une variable aléatoire bornée à partir de bandes de confiance de la fonction de distribution sous-jacente. Lorsque la variable aléatoire n’est pas bornée, nous proposons un principe de projection généralisé qui s’applique aux fonctions de distributions dont les queues sont bornées par des lois de Pareto. Enfin, nous appliquons ces procédures aux mesures de pauvreté FGT et aux mesures d’inégalités (les mesures d’entropie généralisée, de déviation logarithmique et d’Atkinson et les indices de Theil, de Lorenz, de Gini et de variation logarithmique).

Dans les trois articles, des études Monte Carlo sont effectuées pour analyser la performance des méthodes d’inférence et illustrer le choix du paramètre de régularisation. Elles montrent que les statistiques régularisées donnent des tests plus puissants que celles existantes, lorsqu’elles sont appliquées à des distributions qui diffèrent le plus dans les queues. De même, les bandes de confiance de fonctions de distribution et les intervalles de confiance pour la moyenne basés sur ces statistiques produisent de meilleurs résultats. Dans certains cas, les intervalles asymptotique et bootstrap ne produisent pas de résultats fiables alors que les intervalles proposées sont robustes et plus courts. Pour illustration, nous analysons dans les articles 2 et 3 les profils de pauvreté et d’inégalités des ménages ruraux au Mexique en 1998 en utilisant des données du programme PROGRESA. Les résultats montrent que les intervalles asymptotiques sont souvent trop petits pour être réalistes alors que l’intervalle bootstrap peut exploser. L’analyse montre que le profil de pauvreté des ménages Mexicains dépend grandement du type de chef de ménage: les niveaux de pauvreté et d’inégalités des ménages dont le chef est un homme ou est éduqué sont moins élevés que ceux des autres ménages. De ce fait, les mesures destinées à réduire le taux d’illettrisme et à sécuriser le revenu des ménages dont le chef est une femme pourraient aider à réduire la pauvreté et les inégalités dans le Mexique rural.

Lire aussi