CAPITAL ET INVENTIVITÉ : DE L’INTELLECT GÉNÉRAL À GENERAL ELECTRIC

Cette thèse a pour but d’éclairer le rôle économique de la science et de la technologie dans le cadre du capitalisme. À cette fin, elle s’enracine d’abord dans une discussion des thèses développées à ce sujet par Karl Marx à l’égard du capitalisme industriel qu’il avait sous les yeux. En tenant compte de la distance temporelle qui nous sépare du contexte de rédaction de son œuvre, soit de la transition du capitalisme industriel au capitalisme avancé, elle s’intéresse ensuite au rôle que joue la production scientifique et technologique dans le cadre du capitalisme avancé. En ce sens, l’objectif de cette thèse est double. D’une part, elle vise à ressaisir et à mettre au jour la façon dont Marx problématise le rapport de la science et de la technologie à la dynamique économique de son époque. D’autre part, elle vise à éclairer les modalités et les enjeux liés à l’intégration de la production scientifique et technologique dans la dynamique économique contemporaine.

Cette thèse prend le contrepied d’auteurs comme Michael Hardt et Antonio Negri qui ont cherché de façon similaire à théoriser l’avènement d’une économie dite « immatérielle » à partir du concept d’« intellect général » de Marx. Elle montre les insuffisances de cette perspective théorique tant du point de vue du diagnostic posé sur le travail immatériel que du point de vue de l’interprétation de concepts centraux de la pensée de Marx. Dans la première partie, cette thèse s’efforce de ressaisir et de recomposer une trame narrative qui traverse l’œuvre de Marx, non seulement au sujet du rôle économique de la science et de la technologie, mais plus fondamentalement en ce qui concerne l’inventivité qui est posée par cet auteur comme une dimension inhérente à l’activité humaine et dont il problématise la prise en charge sous le capitalisme comme un devenir étranger des potentialités humaines, c’est-à-dire comme procès d’aliénation. Dans la seconde partie, cette thèse fait état des transformations organisationnelles et institutionnelles qui ont caractérisé l’avènement du capitalisme avancé : soit la grande corporation, les marchés oligopolistiques, le système financier et le système des brevets. S’attardant au cas historique type d’un modèle d’affaires fondé sur la recherche et le développement, General Electric, elle rend compte des modalités organisationnelles et institutionnelles qui opèrent l’intégration de l’activité scientifique et technologique à la production dans le cadre du capitalisme avancé. Enfin, à partir de la discussion préalable de l’œuvre de Marx, elle problématise les enjeux liés à cette intégration de la production scientifique et technologique comme soumission virtuelle de la pratique sociale au capital, c’est-à-dire comme capacité à déterminer des objets d’usage futurs et les formes de pratiques et de jouissances sociales qui s’y rattachent.

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