Cette thèse traite de la diversification de l'économie gabonaise comme un impératif pour répondre aux nombreux enjeux de développement économique auxquels le pays est confronté depuis plusieurs décennies. Doté des nombreuses ressources naturelles renouvelables (forêts, ressource en eau, etc.) et non renouvelables (pétrole, manganèse, fer, uranium, etc.), le Gabon est l'une des économies les plus rentières d'Afrique subsaharienne. Cette économie est fortement dépendante de la rente pétrolière qui représente depuis au moins trois décennies plus de 80 % des exportations du pays et près de 60 % des recettes budgétaires de l'État. Encouragé par la forte demande de pétrole dans les échanges commerciaux mondiaux, le Gabon s'est malheureusement confiné dans un modèle extraverti de développement caractérisé par une spécialisation dans l'exploitation des ressources naturelles, le pétrole en tête. Cette spécialisation est de nature à renforcer, d'une part, la vulnérabilité de l'économie gabonaise aux chocs externes (crise économique, financière, alimentaire, etc.) et, d'autre part, à accentuer la détérioration des termes de l'échange du Gabon vis-à-vis de ses partenaires commerciaux. Sur le plan national, l'exploitation des ressources naturelles a causé des disparités territoriales et spatiales entre les zones où ces ressources sont exploitées et celles où elles ne le sont pas. La manne pétrolière n'a pas non plus réussi à réduire les inégalités sociales, puisque l'incidence de pauvreté au Gabon atteignait les 33 % en 2005.
Eu égard à ces enjeux, cette thèse analyse dans quelle mesure la diversification économique peut être une stratégie à développer au Gabon pour le sortir de sa dépendance de la rente pétrolière. Quatre objectifs ont été poursuivis à cette fin : 1- analyser l'évolution de la diversification du Gabon de 1980 à 2010, 2- identifier les déterminants endogènes et exogènes de l'évolution de ce phénomène, 3- définir une stratégie de diversification économique territoriale et 4- identifier les acteurs, les modalités et les conditions pour mettre en œuvre cette stratégie de diversification. Ainsi, après avoir mobilisé les fondements théoriques sur la diversification et les études empiriques sur ces déterminants, un cadre conceptuel contenant huit variables explicatives (niveau de développement, investissement public, investissement direct étranger, inflation, cours du change, gestion des finances publiques, ouverture commerciale et entrepreneuriat) et une variable expliquée (Indice de Hirschman-Herfindalh normalisé) a été retenu.
La méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) a été mise à contribution pour trouver les déterminants de la diversification économique du Gabon de 1980 à 2010. Il ressort de l'inférence statistique et de l'analyse descriptive que la diversification économique du pays a été influencée par l'ouverture commerciale, le cours du change et l'inflation. Si l'évolution du contexte économique mondial a contribué à bien saisir l'impact de ces variables sur la diversification économique du Gabon, le contexte territorial gabonais l'a été davantage. En effet, l'intégration de la dimension territoriale dans l'étude du phénomène de la diversification économique a donc permis de constater que les éléments contextuels propres au Gabon (pays côtier peu peuplé et riche en ressources naturelles) ont joué un rôle dans l'explication de l'évolution de ce phénomène.
Après avoir déterminé les potentialités de développement du Gabon dans divers secteurs d'activités, une stratégie de diversification capable d'insuffler un développement territorial à long terme du pays a été définie. Cette diversification économique territoriale s'articule autour de cinq piliers : « Le Gabon minier », « Le Gabon énergie », « Le Gabon bleu », « Le Gabon vert » et « Le Gabon gris ». Ces piliers ont chacun quatre composantes. Les filières retenues sont : la Mine de fer de Belinga, l'exploitation d'autres ressources minières et géologiques, l'industrie pétrochimique et l'industrie métallo-sidérurgique pour « Le Gabon minier », le gaz naturel, l'hydroélectricité, l'énergie solaire et la biomasse forestière pour « Le Gabon énergie », l'aquaculture, la pêche artisanale, la pêche industrielle et l'industrie marine pour « Le Gabon bleu », l'agriculture agroécologique, l'industrie du bois, l'industrie des biotechnologies et le géotourisme pour « Le Gabon vert », et les technologies de l'information et de la communication, les services financiers et bancaires, les services professionnels pour entreprises et la formation et recherche scientifique pour « Le Gabon gris ». La mise en œuvre effective des filières choisies stimulerait l'industrialisation du Gabon par la substitution des exportations (ISE), la substitution des importations (ISI) et les industries industrialisantes (III).
Pour mettre en œuvre cette stratégie de diversification, nous avons mobilisé deux modalités de l'action publique, à savoir le partenariat public-privé et l'ingénierie territoriale dont les principes de fonctionnement encouragent non seulement la collaboration entre plusieurs parties prenantes (État central, collectivités locales, secteur privé, société civile et partenaires au développement), mais également une logique d'action « bottom-up » au détriment de la logique « top-down » qui a prévalu jusqu'ici au Gabon. En revanche, pour que cette stratégie de diversification impulse un développement territorial du Gabon à long terme, trois conditions au moins doivent être remplies. La réforme de la Loi de la décentralisation doit être effective pour renforcer les responsabilités des acteurs territoriaux. Un renforcement des capacités institutionnelles et humaines aussi bien techniques que fonctionnelles est nécessaire pour réussir à mettre en œuvre cette stratégie de diversification économique territoriale. L'aménagement du territoire en infrastructure de télécommunication et de transports est une condition sine qua non pour que cette stratégie de diversification aboutisse à terme à un développement territorial du pays. Une volonté politique et un changement de mentalités sont des exigences fondamentales auxquelles il faut répondre pour que les conditions sine qua non du succès de la diversification soient réunies. Le financement de la diversification devra se faire par une utilisation judicieuse des fonds propres et des fonds contractés.