L’aide au développement, qui vise essentiellement la réduction de la pauvreté, s’effectue par l’entremise de divers secteurs, dont celui de l’éducation. Depuis les années 2000, les préoccupations se situent au niveau de la qualité de l’éducation, et les interventions d’aide au développement convergent en ce sens. Dans la sphère francophone, c’est entre autres le transfert de l’approche par compétences qui s’est vu préconisé pour répondre à l’impératif lié à la qualité de l’éducation. Dans ce contexte, le transfert de cette approche est assuré par des experts qui sont assignés à l’assistance technique par les commanditaires des réformes dans des systèmes éducatifs de l’Afrique francophone. Ces experts proviennent entre autres de la France, de la Belgique et du Québec. En conséquence, de nombreux modèles de l’approche par compétences sont véhiculés, ce qui est porteur de confusion et de désaccord chez les acteurs impliqués dans de tels projets. Il semble par ailleurs que son application en pays africains ait peu de retombées dans les pratiques, et certaines recherches mettent de l’avant les risques et les dangers de ces interventions d’expertise.
Cette étude porte sur l’analyse comparative des orientations privilégiées par trois bureaux d’experts qui ont été impliqués dans des réformes curriculaires selon l’approche par compétences dans des pays francophones d’Afrique. La recherche est fondée dans l’approche sociologique de l’étude des organisations, et plus spécifiquement, soutenue par la théorie néoinstitutionnelle et en complémentarité, la théorie des systèmes sociaux. De cette manière, nous concevons un lien complice entre les orientations pour le développement curriculaire selon l’approche par compétences de la part de bureaux d’experts à l’étude et la recherche de légitimation de ces derniers. L’analyse de discours des documents diffusés par les bureaux d’experts est ainsi concentrée sur ces liens, et a été guidée par six grands thèmes : l’environnement organisationnel, l’univers référentiel, les opérations de développement curriculaire, l’approche par compétences, les compétences et l’évaluation des apprentissages. Ce faisant, nous analysons le discours de ces experts
sur le développement curriculaire selon l’approche par compétences dans toutes ces dimensions, nous le replaçons en contexte en examinant l’environnement organisationnel des bureaux, puis nous retraçons le fondement des discours par le truchement des références employées par les auteurs.Les convergences qui se dégagent du discours des différents experts étudiés témoignent de l’importante influence des grandes organisations internationales dans les orientations poursuivies par ces experts pour les systèmes éducatifs des pays bénéficiaires de l’aide au développement. Toutefois, il ressort également certains processus autoréférentiels, entre autres influencés par le statut du bureau et le parcours de ses membres, qui sont déterminants de la traduction qui se fera de ces grandes orientations, ce qui donne lieu à d’importants écarts dans le discours sur le développement curriculaire selon l’approche par compétences parmi les bureaux étudiés.
L’analyse des convergences et des divergences présentes dans le discours de ces experts a permis de mettre en lumière certains processus de légitimation qui façonnent et déterminent les orientations entreprises par ces derniers pour le développement curriculaire selon l’approche par compétences dans des pays francophones d’Afrique. De là, l’identification de risques et de tensions découlant de ces processus conclut ce travail de recherche.