Les stratégies syndicales à l'égard des changements en milieu de travail: quatre études de cas dans l'industrie mexicaine de fabrication de pièces automobiles

Cette recherche s’intéresse aux stratégies syndicales à l’égard des changements en cours dans les lieux de travail. Elle s’inscrit dans un courant de recherche substantielle consacré à l’étude de la capacité d’action et de l’évolution du pouvoir des syndicats dans un contexte de mondialisation. Cette étude vise, dans un premier temps, à identifier les stratégies poursuivies par différents syndicats locaux face aux pressions qui conduisent désormais les entreprises à effectuer des changements impliquant notamment une révision des modes traditionnels d’organisation de la production et du travail. Dans un deuxième temps, cette recherche tente de cerner les facteurs jouant un rôle déterminant dans les choix stratégiques effectués par les syndicats. En définitive, l’ambition de ce mémoire est de parvenir à une meilleure compréhension des conditions incitant un syndicat à adopter une stratégie qui lui permettra d’influencer les processus de changements en cours dans les entreprises. Nous avons choisi de mener notre étude au Mexique. Évidemment, le choix de notre terrain de recherche revêt ici une importance fondamentale. Le système mexicain de relations industrielles traverse actuellement une période de transition majeure. Dans la foulée de la mondialisation, ce système de relations industrielles est secoué par différentes pressions d’ordre institutionnel et conjoncturel impliquant une redéfinition des règles qui régissaient jusqu’ici les rapports entre acteurs et, du même coup, une fragilisation des ressorts traditionnels de l’action syndicale. Partant d’un tel contexte, l’objectif devient dès lors celui de démontrer que, malgré les pressions auxquelles sont confrontés les syndicats mexicains, ces derniers possèdent toujours une marge de liberté leur permettant de choisir la stratégie qu’ils poursuivront à l’égard des changements en cours dans les milieux de travail. Dans le but d’apporter des éléments de réponse à l’ensemble de nos interrogations, nous avons mené une enquête auprès de quatre usines et syndicats locaux œuvrant dans l’industrie de fabrication de pièces automobiles au Mexique. Depuis le printemps 1999, et jusqu’au mois de novembre 2001, les différents représentants des syndicats et des directions de ces usines ont été sondé et interrogé par voie de questionnaire et d’entrevues. Plusieurs constats majeurs se dégagent de l’analyse des données recueillies auprès de ces divers intervenants. En premier lieu, on observe que le renouveau syndical, dans les quatre cas à l’étude, semble animer par une logique participative. À cet égard, nous avons pu constater dans l’ensemble des usines visitées la mise en application d’une nouvelle philosophie de relations de travail davantage axées vers la coopération entre les parties ainsi que l’existence d’une sensibilité particulière des représentants syndicaux par rapport aux exigences de compétitivité et de productivité, caractéristiques de la nouvelle économie mondialisée, auxquelles sont confrontées les directions d’établissement. Au Mexique, cette logique participative est d’ailleurs soutenue par d’importantes ententes tripartites cherchant à mettre de l’avant une nouvelle culture de travail et à promouvoir une communauté d’intérêts entre les différents acteurs sociaux. En second lieu, on constate qu’il existe bel et bien une pluralité de réponses syndicales à l’égard des changements qui ont cours dans les lieux de travail. Force est d’ailleurs de constater que la modernisation ainsi que la participation syndicale peuvent revêtir différentes formes. Se dégage alors non pas un modèle unique mais bien une pluralité d’options stratégiques parmi lesquelles les syndicats doivent faire un choix. En troisième lieu, les résultats de notre recherche démontre que les choix stratégiques effectués par les syndicats sont conditionnés à la fois par le type de stratégie utilisé par l’employeur à l’égard des travailleurs et de leurs représentants ainsi que par les ressources de pouvoir mobilisées par les syndicats. En d’autres termes, si les syndicats demeurent libre de leur choix et de leur action, les ressources de pouvoir mobilisées et les stratégies employées par les directions d’usines à leur égard délimitent tout de même l’éventail des options stratégiques ouvertes aux représentants syndicaux. Finalement, l’analyse de nos données nous pousse à endosser la posture théorique suggérant que les dynamiques sociales locales et les stratégies des acteurs aient toujours un effet structurant considérable sur la capacité du syndicat d’influencer les processus de changement. Certes, les différentes pressions contenues dans l’environnement des syndicats, dont l’importance apparaît particulièrement significative au Mexique, provoquent une redéfinition des règles du jeu. Toutefois, elles ne suppriment pas pour autant la marge de manœuvre des acteurs au plan local. Appliqué au débat qui a cours actuellement au Mexique concernant la capacité d’action des syndicats officiels, cette posture rejette toute forme de déterminisme dans l’appréhension des stratégies adoptées par ces syndicats et invite à accorder une attention plus importante aux dynamiques locales qui caractérisent les contextes de changement.

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