Depuis l’adoption de la Politique culturelle du Québec en 1992, les municipalités adoptent des politiques culturelle et patrimoniale et développent des partenariats de financement pour des projets de développement culturel. Les villes de Montréal et de Québec élaborent de leur côté des plans de revitalisation et redynamisent leurs quartiers centraux. À la suite de la réforme territoriale municipale et de la création des communautés métropolitaines de Montréal (CMM) en 2001 et de Québec (CMQ) en 2002, ces deux grandes villes ont mis en œuvre des plans stratégiques comportant des volets culturels importants qui tendent à s’incorporer de plus en plus à des approches intégrées de développement urbain. Ces approches contribuent aussi plus largement à ce qu’on pourrait qualifier de vision de développement durable.
Bien que les municipalités québécoises soient de plus en plus actives dans le domaine de la culture, nous constatons que l’apport de ce secteur au développement urbain est un sujet qui mériterait d’être plus étudié au Canada et au Québec. L’objectif de notre thèse est de contribuer à une meilleure compréhension de l’apport de la culture à la revitalisation des quartiers centraux. La dévitalisation urbaine est un problème contemporain qui affecte la qualité de vie des citadins et le développement socioéconomique des communautés. Si le développement culturel constitue une réponse à cette problématique, il nous apparaît important de comprendre les modes d’opération de ce type de développement et de documenter ses effets.
Cette recherche a pour but de répondre aux questions suivantes : comment ont évolué les stratégies locales de développement culturel dans deux quartiers centraux, soit le faubourg Saint-Laurent à Montréal et le quartier Saint-Roch à Québec entre 1992 et 2009? Quelles sont les ressources et les contraintes qui ont conditionné ces stratégies? Quels liens peut-on faire entre les stratégies de développement des villes et les politiques et les programmes culturels des gouvernements fédéral et provincial de même que les changements socioéconomiques et politiques survenus dans ces villes au cours de cette période? Ces stratégies ont-elles contribué à la revitalisation urbaine des deux quartiers à l’étude, et plus largement à leur développement socioéconomique?
Afin de répondre à ces questions, nous avons retenu la théorie du développement urbain développée par Savitch et Kantor (2002). Celle-ci nous semble pertinente, notamment parce qu’elle permet d’analyser et de comparer les stratégies de développement des municipalités en tenant compte des facteurs institutionnel, sociopolitique, économique et culturel aux niveaux national, régional et local. La méthodologie privilégiée est l’étude de cas. S’appuyant sur une méthodologie qualitative, surtout une collecte documentaire, notre étude comprend aussi des données quantitatives sur les investissements publics en infrastructures des différents ordres de gouvernement et sur le développement socioéconomique des deux villes étudiées. Comme notre thèse s’intéresse aux stratégies locales de développement culturel, nous centrons nos analyses sur les projets culturels mis en œuvre dans le cadre des programmes de revitalisation urbaine des deux quartiers à l’étude, soit le faubourg Saint-Laurent à Montréal et le quartier Saint-Roch à Québec. Plusieurs projets culturels structurants pour ces quartiers ont d’ailleurs fait l’objet d’un partenariat de financement impliquant divers ordres de gouvernement. Cet intérêt, porté par les gouvernements fédéral et provincial, à la revitalisation des quartiers centraux des deux principales villes du Québec, depuis le début des années 1990, confirme leur importance stratégique en matière de développement socioéconomique et culturel.
De notre recherche doctorale, il ressort de manière générale que les stratégies locales de développement culturel prennent une importance croissante pour les projets de revitalisation urbaine du faubourg Saint-Laurent et du quartier Saint-Roch entre 1992 et 2009. Au début des années 1990, tous les niveaux de gouvernements s’allient afin d’investir dans des projets de développement culturel structurants au sein des deux quartiers à l’étude. À partir de 1995, la lutte au déficit amorcée par les gouvernements fédéral et provincial amène une période d’ajustements sur le plan budgétaire et administratif. Les élus municipaux cherchent alors à réduire l’impact des compressions fédérales et provinciales sur les dépenses municipales et procèdent par une réorientation des priorités de développement et une rationalisation administrative. Enfin, la réforme territoriale municipale du début des années 2000 donne lieu à une mobilisation accrue d’un grand nombre d’acteurs aux ressources variées. Les projets culturels font désormais l’objet d’un financement partenarial provenant des secteurs public et privé. Ces projets culturels suscitent alors l’émergence de ces deux « quartiers culturels » que nous connaissons de nos jours dans les deux principales villes québécoises.