Cette thèse apporte un éclairage sur la compréhension des nouvelles dynamiques territoriales en agriculture à partir de l’étude de cas de la région de l’Outaouais. Elle montre qu’un processus innovant est en place dans les territoires infranationaux et confirme l’hypothèse de départ en démontrant l’existence d’un modèle agricole territorial au Québec. Comment ce modèle se distingue-t-il par rapport au modèle productiviste dominant ? Quelles sont ses principales composantes ? Quelles alternatives propose-t-il ?
Pour analyser les composantes de ce modèle et identifier des pistes de réponse à ces questions, l’approche territoriale a guidé l’ensemble de notre démarche scientifique. Elle a permis d’étudier les nouveaux rapports entre l’agriculture, la société et son territoire et de poser un regard sur des innovations et des enjeux qui sont souvent ignorés dans la littérature dominante. L’originalité de la recherche réside également dans le fait qu’elle s’est intéressée à la diversité des projets collectifs et des acteurs impliqués qui soutiennent l’agriculture dans un territoire québécois afin de mieux comprendre la construction et le fonctionnement du modèle agricole axé sur les dynamiques territoriales. Dans cette perspective, nous avons opté pour une étude principalement empirique (sur le terrain), avec l’étude de cas de la région de l’Outaouais et de trois de ses MRC, en faisant appel à une démarche surtout qualitative afin de laisser une large place aux discours et aux connaissances des acteurs.
Les résultats de la recherche sont présentés en trois temps. 1) Afin de situer notre étude de cas sur l’Outaouais dans un environnement plus large, nous revenons sur quelques pages de l’histoire de l’agriculture québécoise à partir du début du 20e siècle pour tracer les principales caractéristiques du modèle agricole dominant, souvent qualifié de productiviste. Nous démontrons que les liens entre l’agriculture et son territoire se sont affaiblis au fil des années. L’émergence de nouvelles dynamiques territoriales au Québec est toutefois une tendance des dernières années qui se reflète non seulement dans l’émergence d’un contre discours et d’un mouvement de contestation du modèle agricole productiviste, mais également dans l’apparition de nouvelles initiatives étroitement liées à leur territoire accompagné de changements dans les pratiques des institutions publiques et syndicales. 2) Le contexte du territoire influence les stratégies et les projets qui sont adoptés par les différents acteurs pour soutenir l’agriculture. Dans cette perspective, nous dressons un portrait des composantes territoriales et agraires de la région de l’Outaouais et des trois MRC à l’étude. De cette lecture, des spécificités, des opportunités, des besoins et des enjeux sont dégagés. 3) À travers l’étude d’une quinzaine de projets collectifs qui soutiennent l’agriculture sur les territoires à l’étude, nous nous intéressons aux actions collectives qui animent le secteur agricole ainsi qu’à l’implication des acteurs territoriaux. À travers ce récit, les obstacles auxquels sont confrontés les acteurs dans la construction des projets sont également exposés.
Par la suite, une discussion contribue à exposer les principales composantes du modèle agricole territorial afin de tirer des enseignements pour le Québec. Nous discutons de son processus d’émergence et de ses composantes à partir de sept idées principales qui s’appuie sur notre cadre théorique soit : 1. une diversité de projets collectifs qui soutienne l’agriculture en valorisant les ressources territoriales; 2. des nouveaux modes de gouvernance territoriale en agriculture; 3. des dynamiques territoriales qui appuient principalement un nouveau modèle d’entreprise agricole; 4. une multifonctionnalité agricole en place dans les territoires; 5. des territoires de projets; 6. l’imbrication du territoire et interactions avec les acteurs aux échelons supérieurs; 7. un modèle innovateur.
Ces dynamiques territoriales proposent des solutions nouvelles pour répondre aux limites atteintes par le modèle agricole traditionnel. Bien que le gouvernement québécois ait mis en place quelques programmes ces dernières années avec une certaine souplesse qui permet de s’adapter davantage aux réalités régionales et locales, les spécificités locales sont peu valorisées dans le modèle agricole québécois. Ce déséquilibre entre les pouvoirs centraux et infranationaux engendre des défis importants pour assurer la pérennité des projets collectifs et la survie de plusieurs acteurs porteurs de ces stratégies innovatrices. La recherche démontre l’importance d’une meilleure reconnaissance et d’un soutien plus important aux territoires infranationaux et aux mécanismes de coopération qu’ils génèrent tout en soulevant également de multiples pistes de recherche. À cet égard, les dynamiques territoriales en agriculture, un sujet encore peu étudié dans le contexte québécois, recèlent une richesse importante autant pour la théorie que pour la pratique.
Mots clés : développement, territoire, développement territorial, dynamique, agriculture, agroalimentaire, projets, acteur, ressources territoriales, multifonctionnalité, innovation, modèle, gouvernance, Outaouais, Québec.