Montréal, le mardi 8 novembre 2022 – L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) publie aujourd’hui un important rapport de recherche sur la formation à distance dans le système collégial. Intitulée, L’offre de formation à distance au collégial : état des lieux et enjeux socioéconomiques, l’étude montre que la stratégie gouvernementale sur la formation à distance manque de cohérence et qu’une certaine improvisation règne quant à son déploiement.
« Tout au long de cette étude, j’ai été estomaqué par l’aspect irrégulier et incomplet des données gouvernementales à propos de l’enseignement à distance. Encore à ce jour, il n’y a pas de liste complète ni de répertoire exhaustif de l’offre de formation à distance au Québec. C’est très préoccupant sur le plan de la gestion des fonds publics et de la reddition de compte », a déclaré Éric N. Duhaime, auteur de l’étude et chercheur à l’IREC. « Comment peut-on investir 1,2 G$ dans une stratégie numérique en éducation et en enseignement supérieur et 58 M$ en formation à distance sans bien en connaître les tenants et les aboutissants ? », s’est-il interrogé.
Les risques que cache le brouillard entourant la formation à distance sont concrets. À terme, une approche incohérente créerait une concurrence malsaine entre les établissements collégiaux qui favoriserait les grandes institutions montréalaises au détriment des cégeps en région. « Lorsque l’on connaît la contribution essentielle des cégeps au développement des régions du Québec et à l’occupation du territoire, il y a lieu d’être inquiet. C’est également lourd de conséquences sur l’accessibilité aux études dans son propre milieu de vie. » a souligné Robert Laplante, directeur général de l’IRÉC. Ultimement, cette concurrence malsaine entre institutions pourrait entraîner un gaspillage de ressources et avoir un effet déstructurant sur le réseau collégial, avance l’étude.
Le manque d’information dont dispose le gouvernement est de surcroît préoccupant en ce qui concerne l’usage des fonds publics et plus particulièrement quant aux économies d’échelle supposées qu’entraînerait la formation à distance. « Par le biais de demandes d’accès à l’information, nous avons appris que le ministère de l’Enseignement supérieur ne disposait d’aucun document comparant les coûts d’une formation à distance et ceux d’une formation en présence. C’est particulièrement étonnant quand on sait que les investissements dans la formation à distance sont souvent justifiés en faisant miroiter de prétendues économies » s’est étonné Éric N. Duhaime.
L’étude donne à penser qu’une meilleure coordination nationale permettrait d’éviter des dédoublements et une surenchère de l’offre de formation à distance, comme le suggéraient d’ailleurs les réflexions avancées au cours du chantier sur le Campus numérique. Or, selon plusieurs intervenants rencontrés lors de la réalisation du rapport, ce chantier pourrait bien être « un éléphant qui accouche d’une souris », puisque le projet de Campus numérique se contentera de jouer le rôle d’une vitrine plutôt que de jouer un rôle structurant.
Enfin, l’étude montre que les effets perturbateurs sont nombreux sur la pratique enseignante non seulement en ce qui concerne la charge de travail du personnel enseignant, mais également en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle. Il n’est plus possible d’ignorer que l’enseignement à distance alourdit la tâche des enseignantes et enseignants et la modifie considérablement dans le cas des cours autoportants.
Afin de pallier les lacunes observées dans cette enquête, le chercheur propose neuf recommandations pour assurer une meilleure cohérence et une plus grande transparence à l’égard de la formation à distance.
Tandis que la récente pandémie a favorisé une explosion de l’offre de formation à distance, une confusion semble s’être installée à propos de son rôle dans le système collégial. Le rapport montre que cette confusion renvoie à un biais idéologique au cœur de la stratégie gouvernementale, laquelle présente les transformations technologiques comme une fatalité et l’enseignement à distance comme une fin en soi : « Il faut réitérer que l’offre de formation à distance doit permettre d’accroître l’accessibilité aux études et non pas se substituer à l’enseignement en présence. De même, la technologie doit être à notre service et non l’inverse », a conclu Éric N. Duhaime, l’auteur de l’étude.
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Source : Louis-Philippe Sauvé
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