La fiscalité foncière agricole au Québec : agir pour maîtriser l'évaluation et la vocation des terres agricoles
Le régime fiscal régissant le foncier agricole fait partie d’un arrangement institutionnel spécifique mis en place au cours des dernières décennies pour structurer un modèle agricole propre au Québec. Ce régime fiscal a constitué l’une des pierres d’assises de ce modèle en permettant aux établissements agricoles de bénéficier de règles équitables adaptées à leurs réalités économiques et susceptibles de maintenir ou d’accroître leur compétitivité. En tenant compte de la spécificité économique de la terre comme actif enchâssé au cœur de l’exploitation, mais aussi de l’étroitesse des marges financières moyennes dont bénéficient les fermes familiales, ce régime fiscal a ainsi contribué à procurer au modèle agricole québécois les moyens de se tailler une place enviable à l’échelle de l’Amérique du Nord et, surtout, de s’en démarquer sous plusieurs aspects.
Au Québec, le Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA) constitue la mesure phare de ce système fiscal. Mis en place en 1991 afin de donner aux producteurs la capacité de faire face aux aléas des dynamiques d’évaluation foncière susceptibles de déstabiliser les finances de leurs entreprises agricoles, ce programme est venu occuper une place importante dans l’ensemble des dispositifs de soutien au développement de l’agriculture québécoise.
Ce Programme a connu d’importantes modifications dès 2007. Principalement destinées à alléger la gestion et les frais d’exploitation du programme, ces modifications n’ont manifeste-ment pas suffi à le garder en phase avec les transformations de l’environnement économique qui ont directement affecté le secteur agricole. L’évolution rapide du marché des terres dans certaines régions en périphérie des grands centres, conjuguée aux pressions exercées sur les finances municipales par le transfert de nouvelles responsabilités aux autorités locales, a en effet mis l’efficacité du Programme à rude épreuve. Devant les insatisfactions et questionnements que soulèvent ces écarts entre le programme - même corrigé -, sa viabilité financière et les fonctions de soutien qu’il devait assumer, une révision d’ensemble semble s’imposer.
Si une réflexion stratégique s’avère nécessaire pour faire le point et avancer des propositions qui viendront combler les lacunes, il importe de garder cette réflexion bien arrimée sur les objectifs initiaux et les ambitions poursuivis par le programme, qui se voulaient un moyen d’assurer la reproduction et la consolidation d’un modèle basé sur l’équité et la compétitivité des mesures de soutien aux fermes québécoises.
Les caractéristiques économiques de ce modèle ne sont pas clairement saisies et comprises qu’en adaptant une approche capable de situer ces mesures dans le contexte global où elles s’inscrivent et produisent leurs effets. À ce titre, les études économiques basées sur des comparaisons internationales négligeant de situer ces mesures dans le cadre institutionnel spécifique où elles s’inscrivent et qui font abstraction des effets structurants qu’elles ont générés pour l’ensemble de l’économie québécoise donnent une mesure imparfaite de leur efficacité. Pour obtenir un portrait économique rigoureux et faire une évaluation adéquate de la portée de ces mesures, il est nécessaire de les situer dans l’univers des choix et arbitrages qui leur ont donné forme et force d’application. C’est de cette manière que les analyses des politiques publiques peuvent réellement permettre de faire la part des choses entre les nécessaires adaptations aux transformations économiques et le recours aux solutions plus ou moins plaquées sur un modèle sans en respecter la logique ou les finalités.