Sous la lunette interdisciplinaire du management et de la psychologie, ce mémoire porte sur une habileté humaine que chacun possède, soit l'aptitude à être créatif et à générer des idées nouvelles et originales. Inspirant les solutions innovantes, les idées créatives permettent une meilleure adaptation à un contexte de vie organisée ; dans un contexte de travail, leur valorisation est ainsi essentielle pour susciter une réflexion plus éclairée, ultimement plus intelligente, sur les diverses alternatives que pose la résolution d'un problème. Or, générer une idée créative est un défi puisque l'habileté cognitive qui supporte l'acte comporte une sensibilité émotionnelle, dont les réactions automatiques qui en découlent ont le pouvoir d'affecter positivement ou négativement les capacités créatives.
Ce mémoire vise ainsi à démystifier le phénomène de l'idée créative en ses subtilités somatiques en mettant l'accent sur le rôle qu'y jouent les émotions. La motivation à explorer ce sujet est spécifiquement en réaction à une problématique de la littérature qui présente une tendance à adopter une vision réductrice des liens de causalité entre les émotions et la créativité ( p. ex. approche cognitive vs motivationnelle vs psycho-sociale) occultant une compréhension plus large du phénomène en son caractère multidimensionnel À cet effet, ce mémoire propose une conceptualisation de l'émotion qui n'avait dès lors pas été envisagée dans la littérature en créativité, en y relatant son processus partant des causes cognitives à ses effets comportementaux. Plus précisément, l'angle d'approche adopté consiste à voir comment la manière d'appréhender une situation et d'y réagir par le biais de stratégies de coping suscite des émotions qui affectent les capacités créatives. À la lumière du cadre conceptuel, il est attendu que l'appréhension positive engendre des stratégies de coping constructives dont les émotions positives qui en résultent jouent un rôle bénéfique sur les performances créatives. À l'inverse, l'appréhension négative engendre des stratégies de coping d'évitement dont les émotions négatives qui en résultent affectent négativement les performances créatives. Inscrite dans la posture éplstémologique de l'approche cognitive de l'émotion, la conceptualisation de l'émotion proposée est modélisée et testée dans un contexte expérimental et quantitatif.
L'étude expérimentale, de nature exploratoire, est partie prenante d'un plus vaste projet de recherche en cours mené par les professeurs Marine Agogué et Kevin Johnson ayant eu lieu en mai 2015 au TechSLab. Son design repose sur une manipulation visant à induire des émotions chez les participants en leur adressant des commentaires positifs ou négatifs à l'égard de leur performance créative. Les effets sur [1) l'appréhension (2) les réactions émotionnelles et (3) la performance créative sont mesurées par questionnaires (1-2) et un test mesurant l'habileté à générer des idées créatives (3). L'analyse basée sur une modélisation par équations structurelles vise dans un premier temps à valider les construits des variables indépendantes et dans un second temps à tester les modèles.
Corroborant la littérature sur le sujet, les résultats obtenus suggèrent l'effet bénéfique des émotions positives sur le raisonnement créatif. Une contribution théorique importante de ce projet de recherche est la proposition d'une conceptualisation de l'émotion qui fait entrevoir sous un nouvel éclairage la nature de ce rôle joué par les émotions dans le raisonnement créatif. Basés sur les résultats obtenus, s'en dégagent des leviers d'actions qu'il est possible de mobiliser dans un contexte de gestion afin de susciter le potentiel
créatif de ses équipes. Ces leviers portent sur la nature circonstancielle de la créativité et la manière d'optimiser son potentiel par la prise de conscience de certains aspects situationnels liés à la génération des idées créatives. Ultimement, l'intention poursuivie dans ce travail est de mieux guider les individus dans une démarche faisant appel au raisonnement créatif.