Des programmes de prêts aux étudiants remboursables selon le revenu : une perspective québécoise

Imaginé par l’économiste américain Milton Friedman en 1945, le concept de Programme de prêts aux étudiants remboursables selon le revenu (PPRPR) est maintenant une option étudiée au Québec. Le gouvernement québécois a, en 1998, commandé une étude sur la faisabilité de ce projet, dont les résultats ont été déposés récemment. Depuis ce temps, l’idée du PPRPR défraie périodiquement les colonnes des médias de la presse écrite québécoise. Le présent travail se distingue des études précédemment complétées au Québec en étudiant non seulement la viabilité d’un PPRPR, mais en analysant plus particulièrement les effets redistributifs qui seraient entraînés par l’application d’un tel système d’aide financière, c’est-à-dire l’identification des gagnants et des perdants d’un tel système comparativement au système de remboursement de type hypothécaire tel qu’appliqué à l’heure actuelle. Il faut rappeler qu’un PPRPR est souvent mis de l’avant par les organismes qui en font la promotion comme une solution au problème d’endettement étudiant, en permettant à l’étudiant terminant ses études avec une dette élevée de pouvoir étaler ses paiements dans le cas où il serait sans emploi ou avec un emploi à faible revenu. Il agirait donc comme une forme d’assurance, où l’emprunteur s’assure contre le risque de faibles revenus après la période d’études. Comme dans les programmes d’assurance, certains problèmes potentiels doivent être considérés, dont le risque moral et l’antisélection. Nous reviendrons sur ces caractéristiques des problèmes d’assurance un peu plus loin. Dans le système actuel de remboursement de type hypothécaire, ce «risque» est amoindri par des programmes complémentaires comme le Programme de remboursement différé, par lequel un emprunteur peut reporter à plus tard le versement d’une ou de plusieurs mensualités. Nous commencerons, dans la première partie, par un survol historique du système d’enseignement postsecondaire québécois ainsi que de l’aide financière publique aux étudiants. Cette mise en relief est importante en ce sens que le PPRPR est souvent mis de l’avant (et le Québec ne fait pas exception) comme remède aux maux affligeant le système d’aide financière. Afin de mieux comprendre ces problèmes, nous croyons utile d’expliquer l’évolution de ce système, des débuts de l’aide publique dans les années 30 à nos jours, et parallèlement, l’évolution du système d’enseignement postsecondaire québécois. La deuxième partie sera consacrée à l’étude du concept de programme de prêts aux étudiants remboursables selon le revenu, de sa conceptualisation par Friedman au milieu du XXe siècle à son application dans quelques pays. Nous nous attarderons principalement sur les différences marquées entre la théorisation du concept de PPRPR et sa mise en pratique, en étudiant diverses applications internationales (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suède, États-Unis et Ghana) du programme et en présentant un résumé des efforts tentés au Canada et au Québec pour mettre sur pied une forme de PPRPR. Dans la troisième partie, nous nous pencherons sur les différentes caractéristiques définissant un programme de prêts aux étudiants remboursables selon le revenu. Nous nous concentrerons sur les raisons pour lesquelles les modèles appliqués sont différents des modèles théoriques, en traitant particulièrement de la mutualisation (retrouvée dans les modèles théoriques) et la non-mutualisation (retrouvée dans les modèles appliqués). Nous allons également énumérer les différents paramètres constituant un PPRPR et dont la définition ou la modification jouent un rôle déterminant pour la viabilité d’un tel système. Dans la quatrième partie, nous présenterons la méthodologie que nous employons afin de vérifier notre hypothèse. Une attention spéciale sera portée au traitement des données nécessaires à l’élaboration de nos profils de revenus et à la pondération de chaque agent représentatif au sein de l’ensemble constituant la simulation. Nous procéderons à l’analyse des résultats dans la cinquième partie. Dans la sixième partie, nous aborderons la question du programme de prêts aux étudiants remboursables selon le revenu dans une perspective politique. Cet examen sous un angle autre paraît nécessaire puisque le PPRPR est souvent vu dans les cercles politiques non comme un moyen d’améliorer la qualité de l’aide financière publique aux étudiants, mais comme une excuse laissant la possibilité à l’État de diminuer sa contribution au financement du système d’enseignement postsecondaire. Il serait donc dommageable de ne voir dans le PPRPR qu’un enjeu détaché du politique.

Lire aussi