EFFETS DE LA LIBÉRALISATION DU SYSTEME FINANCIER TUNISIEN SUR L'ÉVOLUTION DES RISQUES DES BANQUES

En ce début de millénaire, l’économie mondiale connaît plusieurs mutations et changements. Fusions et regroupements au niveau des économies industrialisées et libéralisation des économies émergentes sont actuellement en cours et ce, partout à travers le monde. La Tunisie, un pays de l’Afrique du nord d’une superficie de 164000 km2 et d’une population atteignant presque les 10 millions d’habitants, n’échappe pas à ce phénomène et a connu, depuis 1985, un programme d’ajustement structurel visant la restructuration et la libéralisation totale de tous les secteurs économiques du pays. La première phase de ce programme, qui visait la libéralisation des échanges extérieurs et du marché de change et la restructuration de l’administration et du régime fiscal s’est terminée en 1996 avec un taux d’inflation autour de 5%, un taux d’endettement avoisinant les 56% du PNB, un déficit budgétaire d’environ 3% et un taux de chômage de plus de 15% En 1996, le gouvernement tunisien a amorcé la deuxième phase de ce programme qui avait comme objectif la libéralisation du marché financier. En effet, l’État, par l’intermédiation de la BCT ( Banque Centrale de la Tunisie), est parvenu à diminuer le TMM(Taux de Marché Monétaire)de 10.25% à 6.82%. Par ailleurs, de façon à créer un environnement de concurrence, la BCT a laissé une marge de plus ou moins 3% autour du TMM pour la fixation des différents taux créditeurs et débiteurs des diverses produits bancaires. La Tunisie a entamé depuis 1999 la phase finale de ce programme qui vise la libéralisation totale de l’économie d’ici 2006, ce qui permettra une libre circulation des biens et services, des personnes et des capitaux, et qui rendra possible l’implantation des banques étrangères en Tunisie. Il va sans dire qu’un tel processus de libéralisation risque de bouleverser non seulement l’économie nationale en Tunisie, mais aussi l’économie mondiale comme ce fut le cas pour d’autres pays émergents qui ont précédemment tenté l’expérience. C’est pourquoi je me suis proposé de vérifier si le système bancaire tunisien est prêt pour cette libéralisation totale et s’il peut résister à l’augmentation massive et continue de la concurrence. Pour répondre à la problématique de cet essai, j’ai analysé la structure et l’évolution des différents risques des banques tunisiennes. J’ai présenté, en premier lieu, le cadre institutionnel de la libéralisation financière en Tunisie, tout en le reliant au contexte international, pour ensuite proposer une revue de la littérature sur laquelle j’ai basé mes hypothèses. Par la suite, dans la section méthodologie, j’exposerai la liste des ratios financiers et des modèles économétriques à utiliser pour vérifier les hypothèses déjà annoncées. Enfin, en me basant sur les résultats de cette étude empirique, j’ai terminé mon mémoire avec quelques conclusions et recommandations concernant les effets de la libéralisation du système financier tunisien sur l’évolution des risques des banques. Résultats et conclusions Le processus de libéralisation financière en cours a eu divers effets, souvent bien différents d’une banque à une autre, variant aussi dans le temps. Toutefois, l’utilisation d’un certain nombre de ratios et de modèles économétriques a permis de dégager une tendance générale concernant les différentes composantes du risque bancaire. En effet, on a pu observer que même si les banques ont su diminuer leur risque de liquidité en attirant plus d’épargnes des ménages tunisiens et en contrôlant leur volume de prêts et améliorer la qualité de leurs actifs, les banques tunisiennes ont par ailleurs connu des résultats qui tendent à augmenter leur risque. Par exemple, la baisse continue des taux d’intérêt les obligeant à offrir des produits financiers sans cesse moins chers pour concurrencer le marché, les banques ont vu grimper leur risque de taux d’intérêt. De façon analogue, l’insuffisance de capital et l’augmentation du risque de défaut dû au volume important des provisions en hausse constante sont d’autres facteurs qui contribuent à augmenter le risque général de la banque. Finalement, la hausse de la probabilité de faillite a démontré de façon claire et nette ce que l’on pouvait déjà supposer à la lecture des autres résultats, soit que la libéralisation financière a globalement augmenté l’indice de risque du système bancaire tunisien et c’est donc H0 qui s’en trouve confirmée. Suite à l’étude économétrique , j’ai pu aussi élaborer deux modèles : le premier permettant d’expliquer l’évolution des rendements boursiers et le deuxième d’interpréter l’évolution de la probabilité de faillite des banques tunisiennes. Ces deux modèles présentent une grande utilité aussi bien pour les investisseurs, désirant placer leurs capitaux dans le secteur bancaire tunisien, que pour les professionnels qui travaillent ou désirent y travailler . En conclusion, malgré l’évolution à la hausse des risques bancaires durant la période à l’étude, le système bancaire tunisien a connu une croissance pendant ces dernières années(97-2000), aussi bien du point de vue de l’actif que de celui des capitaux propres. En effet, la majorité des banques ont augmenté leur capital, certaines ont même pu s’introduire sur les marchés financiers internationaux. C’est le cas de la BIAT qui a émis environ 1.600.000 actions sur la bourse de Londres. Cette croissance du système bancaire a été soutenue par la croissance continue de l’économie tunisienne. Malgré ces bons résultats, la progression de la libéralisation financière en Tunisie amènera sans doute avec elle de grands bouleversements dans l’industrie financière et des changements majeurs sont à prévoir dans le paysage bancaire tunisien. En effet, la fin du protectionnisme et du contrôle continu de l’état sur les indices bancaires et l’instauration d’un environnement de concurrence nationale et internationale fera sans doute disparaître certaines institutions au profit de nouvelles, formées par fusion ou acquisition de petites banques trop risquées pour répondre aux fluctuations du marché ou en provenance des marchés internationaux, par la sélection naturelle des lois de la compétition. Face à cette réalité inévitable, il ne reste plus qu’à souhaiter que le gouvernement tunisien demeure vigilant et prenne les précautions nécessaires en vue de contrer une éventuelle prise de contrôle du système bancaire national par des intérêts étrangers et laisser ainsi aux Tunisiens et Tunisiennes le soin de modeler, par les choix financier des consommateurs et ceux de gestion des administrateurs, un nouveau système bancaire libéralisé correspondant à leur besoin et à leur identité .

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