INTÉGRATION SOCIOÉCONOMIQUE ET NÉGOCIATION DES FRONTIÈRES ETHNIQUES: LA RELATION ENTRE DÉQUALIFICATION, DISCRIMINATION PERÇUE ET IDENTIFICATION À LA CATÉGORIE « QUÉBÉCOIS » CHEZ LES IMMIGRANTS MAGHRÉBINS À MONTRÉAL

Notre mémoire porte sur le rôle de la déqualification dans la construction des frontières ethniques, et plus spécifiquement sur la discrimination perçue sur le marché de l'emploi chez les immigrants originaires du Maghreb au Québec. L'objectif de la présente étude est de voir comment ces acteurs se représentent les frontières de la catégorie nationale « Québécois» de même que leurs possibilités d'autoidentification par rapport à celle-ci. Nous inscrivant dans la tradition néo-wébérienne de 1' ethnicité, nous concevons les frontières ethniques et sa négociation par les acteurs comme étant inscrites dans des rapports de pouvoirs inégaux entre majoritaires et minoritaires. Intégrant dans l'analyse les dimensions aussi bien idéelles que matérielles de l' ethnicité, cette étude privilégie l'angle du marché du travail comme lieu central de distribution des positions sociales, d'attribution catégorielle et de construction identitaire. Prenant appui sur la littérature empirique et théorique, l'hypothèse de recherche veut que les acteurs en situation de déclassement professionnel soient portés à attribuer leurs difficultés sur le marché du travail à des pratiques discriminatoires liées à leur origine maghrébine, stimulant ainsi une ethnicisation de la communauté nationale et une auto-exclusion de la catégorie « Québécois». Conceptualisant l'ethnicité comme une vision du monde conditionnée par les rapports sociaux, nous avons adopté une méthodologie qualitative et la méthode de l' entretien qualitatif de façon à saisir les dimensions contextuelles et processus de l'identification. 12 entrevues semi-dirigées ont été effectuées avec des immigrants maghrébins diplômés répartis en deux sous-groupes, soit déqualifiés et requalifiés. Une majorité de répondants perçoivent de la discrimination, quoiqu'à des degrés forts variables. L'analyse des résultats laisse entrevoir des modes d'identifications nettement plus nuancés que ce à quoi notre hypothèse nous préparait. Cinq répondants s'auto-excluent de la catégorie Québécois, trois se disent objectivement Québécois tout en ne se définissant pas subjectivement par rapport à cette catégorie et quatre s'auto-identifie comme Québécois ou Néo-Québécois. L'hypothèse de recherche n'est donc que partiellement confirmée. Nous concluons que ces résultats tiennent notamment au fait que la discrimination perçue est tempérée par une comparaison fréquente chez les répondants entre le Québec et la France présentée comme étant marquée par le racisme. La société québécoise est alors généralement présentée comme étant ouverte, ce qui n'empêche toutefois pas une monopolisation de la catégorie « Québécois » par les majoritaires.

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