La construction de la confiance : le cas des alliances stratégiques en biotechnologie

Cette recherche est née d’une insatisfaction par rapport à la littérature pour appréhender la construction de la confiance interorganisationnelle. En effet, si de nombreux travaux se sont .attachés à démontrer, depuis plus de quarante ans, son influence sur la performance des alliances, peu d’entre eux ont tenté de saisir les éléments participant à son émergence et à son développement. Parmi les études qui se sont penchées sur ce phénomène, on déplore, par ailleurs, un manque de clarté en raison des multiples définitions et conceptualisations proposées et des confusions souvent fréquentes entre la confiance, ses attributs et ses déterminants. C’est pour faire face à cette insuffisance et à ce flou théorique que nous avons souhaité éclairer la façon dont la confiance peut se construire dans les alliances stratégiques, en choisissant comme terrain d’étude le secteur de la biotechnologie qui représente un domaine d’activité dans lequel les organisations sont tenues de collaborer entre elles si elles veulent survivre et progresser.

Pour aborder notre recherche nous avons, dans un premier temps, étudié les différents travaux portant sur la confiance en tentant d’identifier parmi la multiplicité des définitions et conceptualisations proposées des points de convergence. Ce travail d’analyse et d’intégration nous a permis de distinguer trois formes de confiance auxquelles nous avons associé plusieurs caractéristiques comportementales et contextuelles. Par la suite, pour mieux cerner la dynamique de celles-ci nous avons analysé les plus récents travaux portant sur la construction de la confiance et avons complété notre étude en mobilisant certains travaux issus de la théorie structurationniste. Au terme de notre analyse, nous avons été en mesure de proposer un cadre conceptuel intégrant les différents éléments susceptibles de participer à la création et au développement des trois formes de confiance précédemment identifiées et avons également formulé notre première question de recherche. En étudiant, dans un troisième temps, la littérature sur les alliances stratégiques dans le secteur de la biotechnologie, nous avons été amenée à identifier trois types d’alliance et à mettre en lumière les motivations et les risques associés à chacun d’eux. Notre analyse nous a alors conduite à suspecter que les formes de confiance pouvaient être sensiblement différentes selon le type d’alliance concerné et à formuler, en ce sens, deux nouvelles questions de recherche.

Dans le cadre de cette thèse, nous avons choisi d’adopter une méthodologie qualitative basée sur l’étude de neuf cas d’alliance dont trois sont des alliances verticales ascendantes, trois sont des alliances horizontales et trois des alliances verticales descendantes. Les entreprises sélectionnées et retenues dans chacun de nos cas sont des entreprises de biotechnologie canadiennes et américaines évoluant dans le domaine de la santé humaine et entretenant des relations de collaboration avec des instituts de recherche canadiens et des grandes pharmaceutiques faisant partie des dix leaders mondiaux de l’industrie. Dans chacun des cas, les hauts dirigeants des deux entreprises partenaires ont été interrogés. Au total, plus d’une trentaine d’entrevues semi-dirigées ont été réalisées et triangulées en utilisant des informations externes et des documents internes. Pour analyser et interpréter nos données, nous avons utilisé essentiellement deux approches différentes. La méthode de la théorisation ancrée a été privilégiée pour déceler parmi les neufs cas d’alliances stratégiques des régularités empiriques susceptibles d’enrichir la compréhension des processus de création et de développement de la confiance. Une approche narrative et comparative a ensuite été adoptée pour analyser l’influence de ces éléments et leurs comportements dans chacun des neuf cas de façon à évaluer, in fine, les divergences et les similitudes entre les trois types d’alliances entretenues.

Au terme de notre analyse, plusieurs éléments et relations ont émergé de nos données et nous ont permis de bâtir un modèle conceptuel et méthodologique robuste capable d’identifier les antécédents et modalités participant à la création et au développement des différentes formes de confiance. En outre, en analysant et en comparant les relations de confiance entretenues dans chacun des trois types d’alliance étudiés, nous avons constaté qu’indépendamment des motivations et des enjeux poursuivis dans chacun des types d’alliance, la confiance calculée prédomine toujours en début de relation, suivie par la confiance cognitive et affective. Par contre, notre analyse a aussi révélé, qu’en cours de relation, les différentes formes de confiance se développent avec plus ou moins d’importance en fonction des enjeux propres à chacun des partenaires.

Les résultats de notre thèse génèrent plusieurs contributions au niveau méthodologique, théorique et pratique et offrent en cela des éléments intéressants et utiles tant pour les chercheurs que pour les hauts dirigeants soucieux de développer des relations de collaboration efficaces. Sur un plan théorique, nos résultats permettent, pour l’essentiel, d’enrichir la compréhension des processus de création et de développement de la confiance et viennent nuancer certaines prises de positions affichées dans la littérature. Au niveau managérial, notre outil conceptuel et méthodologique fournit des repères intéressants pour les décideurs tant pour le processus de sélection de leurs partenaires, que pour la gestion de leur relation.

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