L'encadrement de la coopération inter organisationnelle et de la coordination dans l'administration publique québécoise (1976-2003) : composants, évolution et analyse comparative avec sept pays de l'OCDE

La perception de problèmes liés à une insuffisance de relations entre les organisations du gouvernement, l’effet ‘silo’, émerge dans les années 1970. Les types d’instruments de coordination hiérarchique ne suffisent plus; de nouveaux modes de relations inter organisationnelles (IO) sont requis. Une telle adaptation ne peut s’opérer sur une simple invitation, la coopération IO n’allant pas de soi. D’où la question centrale de notre recherche : « Quelles formes prennent l’encadrement et l’évolution de la coopération IO dans l’administration publique québécoise de 1976 au début des années 2000? » Nous accompagnons notre question de deux propositions à vérifier : 1) les facteurs internes ont plus d’influence que les facteurs externes et 2) les membres du gouvernement les plus impliqués dans la gouverne centrale de l’État jouent un rôle plus déterminant dans le déclenchement des changements que les autres élus et les autorités administratives.

De nombreuses recherches ont été consacrées ces dernières décennies aux relations entre les organisations : pas moins de 46 objets d’études ont été répertoriés, mais les rapports de coopération IO à l’intérieur des administrations publiques ont été peu étudiés. Les consensus n’ont pas encore émergé, notamment sur une définition de la coopération IO. Parmi les cadres conceptuels et méthodologiques considérés, nous optons pour celui utilisé par Bouckaert, Peters et Verhoest pour l’étude de la coordination au sein de sept pays de l’OCDE (à l’aide des mécanismes de type hiérarchique, de marché et de réseau) ; nous complétons cette analyse par l’examen des types de relations IO selon les axes vertical et horizontal. Notre univers de travail est l’administration publique québécoise; pour comparer avec l’étude de Bouckaert et al. (1980 à 2005) nous couvrons la séquence de trois gouvernements de 1976-2003. Nous misons sur des sources documentaires et sur le regard de hauts fonctionnaires ayant exercé des fonctions stratégiques durant cette période.

Nos résultats montrent qu’il est possible de discerner dans l’arrangement général de la coordination au sein de l’État québécois, un encadrement dédié à la coopération IO. Nous observons à la fin de la période étudiée un encadrement coopératif transformé, passant d’un stade plutôt embryonnaire à un arrangement bien déployé, reposant sur un discours et des incitations soutenues en faveur d’un partenariat IO et appuyé par des dispositifs légaux, administratifs et de culture organisationnelle proposant des orientations et des moyens aux ministères et organismes pour s’en acquitter. Cinq types d’instruments de type réseau s’ajoutent aux trois qui existaient en 1976. L’usage des instruments de réseau (surtout) et de marché s’accroît considérablement, alors que l’usage des instruments hiérarchiques se transforme. Vue sous l’angle des relations IO, l’ampleur des changements se confirme ; les types de relations IO de coopération passent de quatre à douze, alors que les types de relations IO hiérarchiques s’enrichissent de quatre pour passer à quinze. Au total, nous comptons dix domaines de relations IO et 27 types de relations en 2003. À l’aide de ces résultats, nous proposons une définition de la coopération inter organisationnelle.

Nos résultats montrent une ressemblance avec ceux de Bouckaert et al., concluant à un affaiblissement du mécanisme hiérarchique dans les années 1980 avec une montée des mécanismes de réseau et de marché, suivie dans les années 1990 d’un usage plus rigoureux du mécanisme hiérarchique. Contrairement à la trajectoire en va-et-vient des quatre pays ayant le plus adopté le courant du nouveau management public, le Québec a suivi un tracé plus linéaire, accordant plus de pouvoirs et de flexibilité à ses organisations tout en rendant sa direction et son contrôle plus stratégiques.
En engendrant la coopération IO, le pouvoir hiérarchique a amélioré la capacité d’ensemble de la coordination de l’État ; les modes de fonctionnement coopératifs sont devenus des compléments au mécanisme hiérarchique et non des concurrents, en comblant certaines de ses lacunes.
Les résultats contredisent notre formulation des deux propositions à vérifier. Les facteurs externes ont pesé plus lourd que les facteurs internes comme moteurs de changement. Le rôle déterminant dans le déclenchement de ces changements revient aux députés qui ne sont pas membres du gouvernement, bien que les ministres les plus impliqués dans la gouverne centrale de l’État et les hauts dirigeants administratifs jouent un rôle essentiel dans la préparation et la réalisation de ces changements.

Mots clés : ADMINISTRATION PUBLIQUE, COLLABORATION, COOPÉRATION, COORDINATION, ENCADREMENT, INTERMINISTÉRIEL, INSTRUMENT, INTER ORGANISATIONNEL, MÉCANISME, PARTENARIAT.

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