L'implantation des Centres locaux de développement au Québec: l'expérience mitigée de la création d'un potentiel de synergie dans la mobilisation intersectorielle locale

Ce mémoire porte sur l’étude de la mobilisation intersectorielle dans le contexte de l’implantation et des premières années de fonctionnement des Centres locaux de développement (CLD). Nous définissons la mobilisation intersectorielle comme une réunion d’acteurs provenant de secteurs différents (industriel, sociosanitaire, culturel, etc.), alors que le local correspond au territoire des municipalités régionales de comté (MRC). Les CLD, dont les mandats et la composition sont intersectoriels, s’inscrivent dans une tendance récente au Québec qui met l’accent sur la dimension locale du développement. Ils ont été créés par le ministère des Régions en 1998 dans le but de mobiliser les communautés locales et de favoriser le développement de l’emploi et de l’entrepreneuriat dans les MRC. Pour ce faire, ils offrent un soutien technique et financier aux projets de l’économie traditionnelle et sociale. L’objectif de la recherche est de connaître les effets produits par l’implantation des CLD sur la mobilisation dans les MRC. On désire identifier et analyser comment une telle intervention peut transformer la mobilisation des acteurs locaux relative au développement. Puisqu’il existe déjà des réseaux locaux de mobilisation avant la venue des CLD, ces derniers sont implantés dans des contextes différents et peuvent voir leurs résultats varier d’une MRC à l’autre. Trois hypothèses générales orientent la recherche : 1) il y a un rapport positif entre l’existence de réseaux locaux de mobilisation et les effets produits par l’implantation des CLD; 2) ces effets seront plus importants lorsque la mobilisation préalable à l’arrivée des CLD est intersectorielle; 3) la structure des CLD permettra de lier le centre et le local dans de nouveaux réseaux sociaux. La recherche consiste en une étude de cas comparative de deux MRC de l’Estrie (Coaticok et Val-Saint-François). Les données proviennent d’entrevues semi-dirigées auprès de leaders locaux dans le développement et de diverses sources documentaires. L’analyse se déroule en deux temps. D’abord, nous traçons le portrait et on fait l’analyse des réseaux sociaux avant et après l’implantation des CLD dans chaque MRC. Ensuite, nous procédons à une analyse transversale qui permet de comparer les résultats des deux MRC. Parce que cette recherche porte sur les premières années d’existence des CLD, les changements observés sont encore peu marqués. Mais quelques tendances se manifestent déjà, sur la base de nos trois hypothèses. Comme le posait notre première hypothèse, l’existence de réseaux sociaux locaux facilite l’implantation des CLD et oriente leurs effets. Contrairement à la deuxième, c’est là où la mobilisation est sectorielle que l’on perçoit plus de potentiel de changement au niveau local. Et, contrairement à notre troisième hypothèse, les résultats observés sont davantage le fruit de relations horizontales qui décloisonnent le travail des acteurs locaux que d’une relation verticale entre le centre et le local. Ainsi, les communautés les plus mobilisées ne répondent pas mieux aux initiatives de l’État. Lorsqu’on leur accorde des structures et des ressources, les acteurs mobilisés tentent de les adapter aux réalités locales, dans une résistance qui peut être génératrice de dynamiques nouvelles mais qui peut aussi reproduire les habitudes de mobilisation passées.

Lire aussi