Réformes institutionnelles et performance macroéconomique: l'indépendance de la banque centrale a-t-elle un effet sur l'inflation?

L’indépendance de la banque centrale est aujourd’hui un concept-clé dans la théorie et la pratique de la politique monétaire. Ce changement institutionnel repose sur l’idée selon laquelle la subordination de l’autorité monétaire au gouvernement peut compromettre la poursuite de l’objectif de stabilité des prix. Les théories qui fondent l’indépendance de la banque centrale, en particulier Barro et Gordon (1983), ont montré qu’elle renforce la crédibilité de la politique anti-inflationniste, quand bien même l'attachement du pouvoir politique à l'intérêt général est au-dessus de tout soupçon. Plusieurs études empiriques ont également été menées sur la question. Entre autres, Cukierman, Webb et Neyapti (1992) ont construit des indices à partir desquels ils ont estimé l’effet de l’indépendance de la banque centrale sur l’inflation. Leurs travaux indiquent que plus d'indépendance coïncide avec une inflation faible. Se basant sur les auteurs précités, Campillo et Miron (1996) trouvent que la prise en compte d’autres facteurs explicatifs pertinents, autres que l’indicie légal de Cukierman et al., conduit à rejetter l’idée selon laquelle le fait d’avoir une banque centrale autonome permet de réduire le niveau d’inflation. Partant des travaux de ces derniers, notre étude empirique consiste à voir si l’inclusion de la mesure de remplacement des gouverneurs comme autre mesure d’indépendance de l’autorité monétaire, qui tiendrait compte de la dissemblance entre pays industrialisés et pays en développement, dans l’équation de Campillo et Miron, permettrait de réhabiliter les conclusions de Cukierman et al. sur l’effet négatif de l’ indépendance de la banque centrale sur l’inflation. Nos résultats indiquent que si l’indice légal est statistiquement significatif pour les pays industrialisés : l’ indépendance de la banque centrale semble être le meilleur arrangement institutionnel pour lutter contre l’inflation, étant donné que l’adoption d’un système de change fixe n’a pas d’effet stabilisateur à long terme sur les prix. Ce résultat ne tient pas pour les pays en développement, pour deux raisons. Premièrement, la rigidité de l’offre réelle dans les PED explique que ces derniers importent massivement des biens de consommation de l’étranger pour satisfaire la demande excédentaire ; cet excès de consommation a un effet inflationniste que capture la variable INCPRCP . Ensuite, étant donné le sous-développement des systèmes fiscaux dans la plupart des PED- souvent en les pays en proie à des déséquilibres budgétaires importants, les gouvernements n’ont d’autre choix que de financer une part substantielle de leurs déficits par des avances monétaires de leurs banques centrales (seigneuriage). Ce mode de financement alimente l’inflation et accroît le déficit budgétaire à travers l’effet Olivera-Tanzi (la baisse des recettes fiscales réelles suite à l'accélération de l’inflation). D’où un recours accru à la planche à billets. Cette spirale inflationniste a des effets sur les taux d'intérêt et donc sur les dépenses publiques affectées au service de la dette intérieure. En effet, pour éviter la fuite des capitaux, les gouvernements augmentent le rendement des titres publics afin de compenser les attentes de dévaluation de la monnaie nationale. Ainsi donc, avec une dette intérieure plus importante et de recettes fiscales réelles en baisse, les pouvoirs publics n’ont pour ultime recours que la planche à billets. Ce qui constitue un obstacle à la stabilité des prix et à la crédibilité des mesures de lutte contre l’inflation. Dès lors, une réforme juridique des statuts de la banque centrale n’aurait aucun effet sur l’inflation.

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