Dans un contexte économique diversifié, complexe et instable, un modèle de gestion de la production et d’organisation du travail mobilisé par la quête de flexibilité est recherché par les entreprises. Celles-ci choisissent d’externaliser des activités de production, des activités périphériques ou de recrutement, ce qui engendre la création de deux grandes catégories de travailleurs : les travailleurs internes, directement engagés par l’entreprise et les travailleurs externes, provenant d’une agence ou travaillant pour une entreprise sous-traitante. L’analyse de ces formes d’externalisation, se traduisant par une reconfiguration de la relation d’emploi, invite entre autres à s’interroger sur la définition de celle-ci, sur les conditions de travail et d’emploi qui sont offertes aux travailleurs externalisés ainsi que sur la manière dont ils doivent composer avec la gestion de l’insécurité et du risque.
Cette recherche se veut donc une analyse comparée de l’impact de diverses configurations de l’externalisation sur les conditions de travail et d’emploi et sur la relation d’emploi. Plus précisément, elle cherche à savoir en quoi l’externalisation affecte les conditions de travail et d’emploi et elle s’attarde à identifier comment l’externalisation transforme la relation d’emploi.
Afin de répondre à ces interrogations, cette recherche s’appuie sur une étude de cas multiple (N=9) menée dans le secteur agroalimentaire et plus précisément dans le segment transformation de la filière de la volaille, une filière qui recourt à diverses configurations de l’externalisation et qui est organisée en chaîne de valeur. La stratégie de collecte des données mobilise cinq sources d’informations (documentation, visite d’une usine, entretiens semi-dirigés, conventions collectives, offres d’emploi publiées). La diversification de l’échantillon permet d’effectuer des comparaisons sur les trois niveaux d’analyse possibles : micro, méso et macro.
Il ressort des analyses qu’une détérioration des conditions de travail et d’emploi s’enregistre à mesure que l’on descend dans la chaîne de valeur. Plus précisément, trois facteurs sont susceptibles de faire varier les conditions de travail et d’emploi. Il s’agit effectivement de la position de l’entreprise ou de l’établissement dans la chaîne de valeur (pivot, sous-traitant), mais également de son type d’activité (abattage et première transformation ou seconde transformation) et de la configuration de l’externalisation (agences de placement de personnel ou sous-traitance).
De plus, lors de cette recherche, quatre types de relations d’emploi ont pu être observées, soit des relations bipartites typiques, bipartites atypiques, multipartites en sous-traitance et multipartites en agences de placement de personnel. La comparaison de ces diverses modalités a permis de comprendre comment l’externalisation transforme la relation d’emploi classique, ainsi que les effets de cette transformation sur les conditions de travail et d’emploi.
En s’intéressant à l’externalisation, cette recherche démontre que ce choix stratégique comporte des enjeux pour le travail et l’emploi (par exemple, difficulté d’application des normes minimales et de santé et sécurité du travail), mais également pour l’ensemble de la société. Elle met de plus en lumière les limites des théories classiques en relations industrielles dans l’explication du phénomène de l’externalisation et invite à leur renouvellement.