D’après une étude réalisée par le Conference Board du Canada, et si la tendance se maintient, le Canada fera face à une pénurie de 25 000 à 33 000 camionneurs d’ici 2020. Considérant le caractère vital de l’industrie canadienne du camionnage, la pénurie actuelle de chauffeurs, clamée un peu partout, est inquiétante. Si les données recueillies portent à nuancer le phénomène, il n’en demeure pas moins qu’un fait persiste : les camionneurs vivent des conditions de travail difficiles – rémunération déficiente, conciliation des vies personnelle et professionnelle ardue, exposition à des risques sur le plan de la santé et de la sécurité du travail, notamment. Malgré le fait qu’ils représentent un maillon indispensable à la mise en œuvre de la prestation de transport, peu d’études se sont intéressées, à ce jour, directement à eux et à leurs conditions de travail. Ainsi, la présente recherche examine de plus près ces conditions de travail à travers le prisme des mobilisations de l’encadrement de l’obligation de disponibilité, le temps de travail apparaissant comme un thème incontournable dans l’appréciation des enjeux vécus par les camionneurs. En raison de l’état embryonnaire des connaissances sur le sujet et de la multiplicité des modalités d’organisation de l’entreprise et de mise au travail qui se déploient au sein de l’industrie, il a semblé
dans l’ordre naturel des choses de s’attarder d’abord au milieu syndiqué, mieux circonscrit. Le choix du cadre théorique novateur des mobilisations du droit s’est avéré judicieux, car il a permis d’analyser et d’interpréter d’une manière originalement riche et révélatrice les données recueillies des entrevues menées auprès des camionneurs, des syndicats et des transporteurs. En somme, il est démontré que l’énonciation formelle de la norme, par la latitude qu’elle accorde à la partie patronale, compromet dangereusement les droits des camionneurs, aussi fondamentaux soient-ils. Mais plus encore, il ressort que l’univers économique dérèglementé dans lequel la prestation de transport s’insère porte entrave à une mobilisation du droit qui serait favorable à la préservation de leurs intérêts. Sans négliger l’enjeu de la compétitivité à l’échelle nord-américaine, l’heure ne serait-elle pas venue de tenter de donner ou de redonner aux camionneurs la place qu’ils méritent dans la société ?