Une réglementation environnementale plus sévère incite-t-elle les entreprises à innover ? Un regard québécois sur l'hypothèse portérienne

L’objectif de ce travail est de vérifier si une réglementation environnementale plus sévère incite les entreprises à innover. En fait, nous désirons analyser l’hypothèse de Michael Porter qui avance que l’adoption de normes plus sévères en matière de protection de l’environnement peut favoriser une meilleure productivité et une plus grande compétitivité des firmes, et ce, parce qu’elles les encourageraient à innover. Très peu d’études empiriques se sont penchées sur le lien entre la sévérité de la réglementation environnementale et l’innovation jusqu’à maintenant, et aucune, à notre connaissance, n’a été réalisée à l’aide de données québécoises. Pour combler ce vide, nous avons procédé à une étude empirique basée sur des données portant sur l’industrie manufacturière québécoise pour la période allant de 1985 à 1995. Nous avons pris soin de distinguer l’impact de la sévérité de la réglementation selon divers types d’industries, plus précisément les industries les plus et les moins polluantes de même que les industries les plus et les moins exposées à la concurrence internationale. Notre approche économétrique nous a permis d’être très rigoureux. En plus de corriger pour les problèmes fréquemment rencontrés lors de l’utilisation de données de type panel, c’est-à-dire l’autocorrélation des résidus et l’hétérogénéité des variances, nous avons considéré le caractère endogène potentiel de certaines variables explicatives de notre modèle. Ceci nous a amenés à utiliser une méthode d’estimation un peu particulière. Nos résultats indiquent qu’un resserrement des normes environnementales n’incite pas les entreprises du secteur manufacturier québécois à innover davantage. Au contraire, il amènerait ces dernières à réduire leurs dépenses en R-D. Ces dernières constituent notre mesure de l’innovation. Ainsi, nos résultats nous amènent à rejeter l’hypothèse de Porter voulant qu’une réglementation environnementale plus sévère encourage l’innovation, et ce, peu importe le groupe auquel appartiennent les entreprises. Toutefois, plusieurs autres pistes de recherche doivent être explorées avant de rejeter définitivement l’argumentation de Porter. Par exemple, cibler plus précisément les innovations liées à la protection de l’environnement ou considérer l’apport de l’industrie de l’environnement constitueraient des avenues intéressantes. Suite à notre analyse, nous devons cependant conclure qu’un durcissement des normes, mesuré par les dépenses environnementales, entraîne une diminution des dépenses en R-D des entreprises étudiées.

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