Les stratégies climatiques et les pratiques de légitimation des grands émetteurs industriels: une approche qualitative

Depuis l'adoption du Protocole de Kyoto en 1997, les changements climatiques sont devenus une préoccupation sociale dominante, interpellant de plus en plus les gouvernements, les entreprises et les citoyens. Devant les pressions grandissantes des parties prenantes, les entreprises sont de plus en plus contraintes à mettre en place des indicateurs de performance et à divulguer des informations sur leur performance climatique afin de légitimer leurs activités industrielles. Cependant, peu de recherches ont été menées sur la crédibilité des informations divulguées et les stratégies mobilisées par les entreprises pour influencer les perceptions des parties prenantes. Cette thèse de doctorat est centrée sur le processus de mesure, de vérification et de communication des données climatiques. Les trois articles de cette thèse répondent à une question générale de recherche: Quelle est la crédibilité des informations climatiques des grands émetteurs industriels et quelles sont les stratégies de légitimation sous-jacentes à leur divulgation?Les deux premiers articles de la thèse sont basés sur une étude de cas auprès de dix grands émetteurs canadiens. Le premier article remet en cause la mesurabilité des émissions de GES et la crédibilité des informations divulguées par les entreprises. L'article met en lumière trois principaux facteurs pouvant affecter la crédibilité et la confiance dans les inventaires de GES : la complexité de la mesure et les problèmes techniques, le manque de transparence et les problèmes au niveau de la fiabilité des mécanismes de vérification. Le deuxième article porte pour sa part sur les arguments et les stratégies d'influence mobilisés par les émetteurs industriels pour justifier, auprès des parties prenantes l'impact de leurs opérations sur le réchauffement climatique. En s'appuyant sur la littérature sur les techniques de neutralisation, l'article identifie six stratégies de légitimation utilisées par les entreprises étudiées : l'autoproclamation de l'excellence, la promotion d'une vision systémique, le déni et la minimisation, le traitement injuste et les apparences trompeuses, le chantage économique et technologique et le blâme. Finalement, le troisième article repose sur une analyse longitudinale des rapports de développement durable de 21 entreprises du secteur de l'énergie afin de montrer les stratégies de gestion des impressions utilisées dansle discours des entreprises. L'article montre la qualité incertaine des informations divulguées par les entreprises et explore les stratégies mobilisées pour justifier ou dissimuler des éléments négatifs concernant la performance climatique. Les résultats de cette étude démontrent notamment l'inefficacité des firmes de vérification à assurer la qualité des données et l'opacité des informations divulguées.

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