COMMERCE DE DÉTAIL ET TRANSFORMATIONS SOCIOÉCONOMIQUES DES QUARTIERS CENTRAUX Le repositionnement du petit commerce montréalais

Cette thèse étudie la transformation de deux centralités commerçantes situées dans deux quartiers centraux montréalais en transition socioéconomique : Hochelaga-Maisonneuve et Saint-Henri–Petite-Bourgogne. Dans ces deux zones historiquement ouvrières longtemps connues pour leur pauvreté, on observe depuis quelques années une transformation du profil des commerces et des commerçants, de nouveaux établissements plus spécialisés ou plus chers remplaçant progressivement des commerces traditionnels. Prenant ses distances vis-à-vis des lectures les plus couramment mobilisées pour expliquer les changements commerciaux des métropoles – la revitalisation et la gentrification commerciale – la recherche vise à donner une compréhension plus globale de ce phénomène en examinant comment, à l’échelle locale, les grandes tendances économiques, sociales et culturelles sont vécues et prennent corps à travers les choix et les gestes des petits commerçants encore majoritaires sur la plupart des rues commerçantes et dans les marchés publics municipaux. S’appuyant sur un corpus d’entretiens réalisés auprès de 50 petits commerçants et d’une douzaine d’acteurs-clés du commerce de détail montréalais, de statistiques et de documents d’archives, la thèse s’inscrit dans une approche interprétative de tradition wébérienne. Elle mobilise la notion de positionnement pour désigner cette évolution du commerce, un terme qui constitue une alternative plus réflexive et plus individuelle à celui de reconversion, souvent utilisé pour désigner l’adaptation de territoires ou de groupes sociaux à une réalité socioéconomique changeante. Ce repositionnement du commerce de quartier est conceptualisé de manière idéaltypique, comme le passage d’une logique de bas prix, un positionnement prix s’appuyant sur une certaine captivité de la clientèle, vers un positionnement qualité misant sur un marketing plus intensif combinant spécialisation et montée en gamme. Ce glissement a notamment été favorisé par le développement de la grande distribution et par l’accroissement de la mobilité individuelle, deux facteurs contribuant à l’érosion de la clientèle de proximité.Dans les différents chapitres, ce repositionnement est mis en relation et nuancé au regard de la trajectoire socioprofessionnelle des entrepreneurs, de leur vision du marché, de l’évolution du quartier où ils tiennent boutique et des liens que les commerçants tissent et entretiennent les uns avec les autres, de même qu’avec les acteurs privés et publics qui gravitent autour d’eux (fonctionnaires municipaux, firmes de consultants, agents de développement économique).

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