DU PROVIDENTIALISME AU NÉOLIBÉRALISME À TRAVERS TROIS ONTOLOGIES DE LA MONDIALISATION : ANALYSE DES MODES DE RÉGULATION DES INÉGALITÉS DANS LE DISCOURS POLITIQUE DU FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL DE 1970 À 1999

Le débat sur le phénomène de la mondialisation est constamment traversé par les jugements normatifs de ses protagonistes sur les inégalités sociales, jugements selon lesquels la mondialisation amenuiserait ou générerait de l’inégalité entre les pays et au sein des pays. Ce débat s’avère intrinsèquement lié à l’interprétation qui est faite de ce phénomène de transformation, c’est-à-dire à l’interprétation des liens établis entre la mondialisation et les transformations politiques, économiques et sociales. En tant que gardien du système monétaire international, le FMI est appelé à jouer un rôle central dans la régulation des transformations des rapports entre les États-nations et le système international, qui se révèle dans le double objectif de stabilité et de croissance inscrit en filigrane de son histoire institutionnelle. La contribution du discours politique du FMI aux diverses ontologies du concept de mondialisation (transfert, transformation et transcendance) fait sens dans le cadre de la modernité, laquelle est définie comme un triple procès d’institutionnalisation économique, politique et culturel dominé par la régulation politique des sphères publique et privée. L’histoire contemporaine est ainsi marquée par le passage du mode de régulation providentialiste au mode de régulation néolibéral. En effet, un tel passage apparaît manifeste quand on considère l’autorité croissante du FMI dans le nouvel ordre hégémonique et ce, au fil, premièrement, de l’invention de la surveillance à l’issue de la crise des changes; deuxièmement, de la complexification des programmes d’ajustement structurel dans la gérance de la crise de l’endettement; et troisièmement, de la propulsion du FMI en tant qu’organisation « universelle » dans le renforcement de l’architecture financière et dans la lutte à la pauvreté. Ainsi donc, au regard de la transnationalisation de la régulation politique et de la financiarisation de l’économie, toutes deux liées au processus de la mondialisation, quelle est, dans le passage du providentialisme au néolibéralisme, la contribution (essentiellement de légitimation) du discours politique du FMI au mode de régulation des inégalités? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons choisi d’analyser le corpus du discours politique du FMI, corpus constitué des Rapports annuels de l’organisation de 1970 à 1999 puisque ces documents représentent la position officielle du Fonds. Nous avons ainsi constaté que le discours de la décennie 70 a contribué à élaborer une critique du providentialisme, en particulier à propos de la régulation politico-bureaucratique des inégalités d’ordre économique, tandis que celui de la décennie 80 contribuait à légitimer la mise en place du néolibéralisme, soit d’un mode de régulation technocratique des inégalités. Enfin, le discours de la décennie 90 a contribué à consolider le néolibéralisme, notamment dans la gestion de la finance et la recherche de justice sociale. Les trois ontologies dominantes de la mondialisation à l’œuvre dans le passage du mode de régulation providentialiste au mode de régulation néolibéral ont ensuite été triplement analysées sous l’angle a) du rôle du FMI, au sein des conditions d’existence d’un monde multilatéral, puis d’un monde multidimensionnel, et enfin d’un monde irréductible, déspatialisé et détemporalisé; b) de la régulation économique à travers un système international qui passe d’une dynamique d’interdépendance entre des États-nations à une dynamique d’interaction entre des variables systémiques, et, enfin, de circulation d’informations et c) de la régulation politique, à la lumière des transformations de la nature des États-nations conçus d’abord en tant qu’institutions, puis en tant qu’organisations, et enfin, en tant qu’organismes. De cette analyse, nous avons conclu, enfin, que le mode de régulation néolibéral des inégalités, tel qu’il s’affirme aujourd’hui, impose une vision culturaliste et moralisante des inégalités entre les pays et au sein des pays.

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