Gouvernance et construction territoriale : le cas du Faubourg des Récollets de Montréal : du Carrefour des arts et des technologies à la Cité du Multimédia

Depuis les années 1980, l'environnement global se complexifie modifiant notre façon de penser le développement. Cela se traduit aussi par un changement profond dans les systèmes de production ainsi que dans les modes d'intervention des États dans l'économie. Il se caractérise enfin par des phénomènes tels que l'affirmation de nouveaux acteurs du développement économique, le développement de nouvelles modalités de gouvernance ainsi que de travail entre les acteurs. Dans ce contexte, on observe aussi l'émergence de territoires définis de façon nouvelle, à l'échelle meso; ceux-ci sont vus comme des lieux propices à la création de liens sociaux où se cristallisent de plus en plus les enjeux sociaux, économiques et culturels du développement. Cette thèse porte sur l'étude du processus de gouvernance et des stratégies des acteurs dans le cadre du re-développement d'un territoire local, le Faubourg des Récollets. Situé à Montréal, ce quartier central est maintenant connu sous le nom de Cité du Multimédia. En 2002, ce territoire regroupe une centaine d'entreprises et plus de 5 000 travailleurs du secteur des technologies de l'information et du multimédia. Ce projet nécessite un partage des responsabilités qui se caractérise à la fois par des formes de concertation et de collaboration entre les pouvoirs central et local, entre des acteurs institutionnels et des organisations locales. Si la gouvernance met de l'avant les conditions qui renvoient à la coordination des différentes organisations, elle renvoie aussi à la formulation et à la mise en œuvre de stratégies de développement socio-économique. Nous proposons dans cette recherche d'appréhender ce projet de développement territorial, qui s'insère dans un processus de gouvernance, comme une nouvelle façon de penser et d'organiser les activités économiques dans la ville. Dans ce projet précis, on vise à jumeler un secteur de la nouvelle économie à un territoire en recomposition sociale. Suivant cette proposition, l'État s'engagerait à stimuler la mobilisation d'acteurs pouvant mener à la formation d'un système local de production thématique ou de spécialisation sectorielle d'entreprises de domaines connexes. Dans ce cadre, l'État faciliterait la mise en oeuvre d'un environnement-système en s'appuyant, entre autres, sur le dynamisme des milieux locaux pour générer de nouvelles activités créatrices d'emplois. Cette thèse vise à caractériser l'évolution du phénomène de gouvernance, sa transformation et ses réalisations par rapport à notre territoire d'étude. Le cas choisi est particulièrement révélateur de l'interaction entre les acteurs de divers mondes (politique, industriel, artistique, communautaire) qui caractérise la gouvernance et son évolution, mais aussi de leur influence au sein de ce processus pour orienter et produire les changements, résoudre les problèmes par la négociation et la mise en place d'organisations et d’institutions nouvelles visant un nouveau développement de la zone. Notre étude de cas s'est réalisée, entre autres, à partir d'entrevues semi-directives avec des intervenants des milieux sectoriel, territorial et institutionnel mais aussi par une analyse des écrits et documents sur le projet de la Cité et de ses antécédents. Nos hypothèses de travail se formulent selon deux angles d'analyse. Le premier se réfère à la gouvernance et renvoie à trois types distincts correspondant chacun à une phase de la production du territoire, soit la mobilisation de la société locale, l'intervention du gouvernement du Québec, puis enfin l'aménagement de la Cité et de son organisation interne, autant de phases qui définissent cette construction territoriale. Ces trois types de gouvernance peuvent être décrits par les expressions suivantes : d'abord une gouvernance communautaire inclusive rendant compte à la communauté du Faubourg, puis une gouvernance partenariale exclusive, qui exclut effectivement le milieu local mais intègre des acteurs institutionnels financiers et finalement, un mode partenarial tendant vers une plus grande participation des organisations locales au développement du territoire. Le deuxième angle concerne le développement territorial. Selon celui-ci, une première hypothèse, dont nous avons apporté certaines nuances, renvoie au passage du développement sectoriel et immobilier à un développement socio-économique. La deuxième est celle de la territorialisation de l'intervention sectorielle du gouvernement du Québec qui offre un potentiel de structuration d'une nouvelle configuration territoriale s'inspirant de certains principes du système local de production. Nos principales conclusions révèlent qu’en raison de la jeunesse de la forme associative et du tissu social du quartier, la diversité des membres, la faiblesse des moyens et le manque de soutien des autorités publiques, l'organisation locale représentative de la communauté n'a pu se constituer comme force politique assez forte pour être partie prenante du développement de la Cité. Malgré la présence de certaines conditions, le passage à un projet socio-économique de développement meso-territorial, voire un système local de production, a quelques difficultés à s'effectuer. Même si certains efforts furent réalisés, il y a une nécessité de renforcer les liens entre les acteurs afin qu'ils se mobilisent autour d'un intérêt commun rassembleur qu'ils reconnaissent à la fois comme étant supérieur et à l'intersection des intérêts particuliers afin d'assurer la pérennité de la Cité du Multimédia lorsque les programmes gouvernementaux cesseront.

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