La spécialisation fonctionnelle des villes dans le système urbain canadien de 1971 à 2006 – évolution et facteurs

Cette thèse porte sur un phénomène encore peu étudié : la spécialisation fonctionnelle des villes. Elle pose l’hypothèse générale d’une fragmentation spatiale du processus de production, phénomène qui se serait amplifié au cours des quarante dernières années. Pour comprendre ces dynamiques, la thèse pose son regard sur l’évolution géographique de l’emploi dans le système urbain canadien entre 1971 et 2006. Elle propose d’analyser l’évolution, l’étendue, ainsi que la portée de la division spatiale des fonctions pour les trajectoires économiques régionales. Elle vise en outre à soulever certains grands facteurs temporels, géographiques et économiques qui pourraient en moduler les effets.

Trois hypothèses de recherche sont abordées. Une première suggère que la spécialisation fonctionnelle des régions tend à évoluer indépendamment des changements affectant leurs structures industrielles. La littérature a plus classiquement considéré la localisation des activités économiques du point de vue des industries, conceptualisées à partir des produits ou services finaux. Cette thèse soulève que les fonctions – ensemble d’activité et de tâches internes aux entreprises – ont leurs propres logiques spatiales. On prétend que, à l’intérieur des industries, les fonctions à haut contenu en savoir (c.-à-d. gestion, R&D, professionnels) se fragmentent et se concentrent dans les grandes agglomérations canadiennes. Les fonctions plus routinières se diffusent quant à elles vers les régions de moindre taille. Dans la mesure où ces phénomènes prennent place dans l’ensemble de l’économie, une seconde hypothèse émerge : la division spatiale des fonctions devrait se manifester plus ou moins également à l’intérieur des diverses industries, notamment entre celles de services et de production. Cette hypothèse implique que les grands facteurs identifiés dans la littérature génèrent des effets similaires entre les industries. Compte tenu de l’incidence potentielle sur les trajectoires de développement économique, une troisième hypothèse est explorée. Elle stipule que certaines exceptions existent face aux tendances relevées. Certaines régions montreraient des trajectoires distinctes, dont les caractéristiques se révèlent potentiellement importantes pour l’élaboration de politiques publiques.

La pertinence de ces hypothèses est évaluée à partir de trois approches. Dans un premier cas, une analyse de décomposition des déviations à la moyenne nous permet d’isoler la part de la spécialisation fonctionnelle qui d’une part est expliquée par la structure industrielle de celle qui d’autre part est expliquée par un effet régional que nous attribuons à la division intra-industrielle des fonctions. Cette analyse permet de mettre en lumière une spécialisation fonctionnelle croissante dans le système urbain canadien, dont l’origine est attribuable à une division spatiale des fonctions dans les industries.


Dans un deuxième temps, une analyse de régression en données panel nous permet d’observer que le phénomène de division spatiale des fonctions se met en place dans l’ensemble des industries. L’analyse révèle que la force de la taille urbaine tend à s’accroître au fil du temps. Toutefois, le potentiel de division spatiale des fonctions n'est pas le même pour toutes les industries, avec des divisions plus nettes dans certains que dans d'autres. La relation entre les géographies fonctionnelle et industrielle montre en outre des distinctions importantes. Il tend à accroître la concentration naturelle du secteur des services dans les grandes agglomérations, mais introduit une dimension hiérarchique dans les activités du secteur de la production des biens.

Enfin, une troisième analyse se penche sur le cas des villes québécoises, mobilisant l’analyse des concentrations régionales, des taux de croissance relatifs et de la convergence des fonctions à haut contenu dans le secteur de la production des biens. Ces analyses dévoilent qu’en dépit de la concentration manifeste des fonctions à haut contenu en savoir dans les grandes agglomérations métropolitaines, certaines régions non métropolitaines ont des niveaux de croissance qui leur sont parfois supérieurs. S’il y a présence de trajectoires distinctes, on ne peut cependant conclure à la présence d’un processus de convergence régionale.

Mots clés : système urbain, spécialisation, production, industries, fonctions, régions, Canada, économie.

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