Le processus questionnant en éthique : Une étude exploratoire à partir d’expériences individuelles et organisationnelles

Cette recherche s’intéresse au questionnement éthique. Cette notion est souvent plus utilisée en philosophie, dans une dynamique plus théorique de l’éthique ainsi que dans certaines éthiques appliquées telle que l’éthique médicale. Par contre, elle l’est très peu en éthique des affaires. Or, faisant face à la complexité des décisions à prendre en contexte organisationnel, il est impensable qu’un gestionnaire ne soit pas confronté à un conflit éthique qui le conduise à un questionnement. Cette étude cherche donc à comprendre la nature et le processus du questionnement éthique lorsqu’il est vécu en organisation et en particulier en situation managériale.

Pour ce faire, cette recherche s’est appuyée sur la réflexion éthique développée par Paul Ricœur afin de donner des repères théoriques de ce qu’est un questionnement éthique. Ce support philosophique a également permis de sélectionner les personnes à interviewer afin de s’assurer qu’elles concevaient bien l’éthique comme un questionnement.

La méthodologie employée a été inductive et exploratoire afin de laisser émerger les données à partir d’entrevues en profondeur. Ainsi, vingt-et-une personnes reconnues pour leur sensibilité au questionnement éthique ont été rencontrées. Au cours de ces interviews, elles ont pu faire part de leurs expériences, réflexions personnelles, collectives et pédagogiques du questionnement. Cinquante-deux récits de questionnement éthique ont également été recueillis lors de ces entrevues. Ces données ont été analysées à l’aide de N’Vivo.

Les contributions de cette étude sont multiples. Cette recherche permet tout d’abord de faire émerger les caractéristiques du questionnement éthique dont le processus complexe part d’un doute pour aboutir à une incertitude. Différent d’un arbre décisionnel au contenu et aux étapes préétablis, il ressemble à un « work in progress » complexe, à la fois subjectif et objectif, individuel et collectif, rationnel et émotionnel. Par ailleurs, si le questionnement éthique porte sur l’action à entreprendre, il conduit les personnes impliquées à un questionnement identitaire et une recherche de sens. C’est pourquoi, dans la lignée de Weick (1995) qui est sensible au caractère évolutif d’un processus, et dans la lignée de Ricœur (2004), appréhendant davantage les questions identitaires comme un parcours, cette étude propose de parler de « parcours questionnant en éthique » et pas seulement de questionnement éthique.

Une deuxième contribution est d’ordre organisationnel. Elle soutient l’importance d’une pluralité de pratiques éthiques. Mais plus profondément, elle conduit à s’interroger sur les conditions organisationnelles permettant une place plus naturelle au questionnement éthique. S’inspirant des travaux de Schein sur la culture organisationnelle (2010), elle invente la notion de « culture organisationnelle du questionnement éthique ».

La création ou l’enrichissement de l’humus d’une telle organisation nécessite le déploiement d’habiletés et de pédagogies appropriées. Celles-ci s’enracinent dans des pédagogies expérientielles, incitant au jugement critique, au questionnement et au doute, à la réflexivité, la narrativité, au dialogue et à l’ouverture.

Mots-clés : Questionnement éthique, Éthique organisationnelle, Formation, Quête de sens, Ricœur, Complexité, culture organisationnelle, pratiques éthiques, parcours questionnant, narrativité, dialogue, interdisciplinarité, Pédagogie.

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