Vers une culture de l'éthique en organisation : étude de deux cas

Alors qu’elle était un sujet presque tabou il y a quelques années à peine dans les organisations, l’éthique est, à l’aube de ce XXIe siècle, devenue très « tendance » dans le domaine de la gestion. Faut-il s’en réjouir ou y voir une forme de récupération instrumentale des considérations éthiques? Si les points de vue à ce sujet divergent, on ne peut nier que parler d’éthique dans l’univers de la gestion ouvre une porte à la réflexion et au questionnement en la matière, et donne la possibilité de développer la dimension éthique dans l’organisation. Dans cette perspective, l’éthique est abordée dans ce mémoire comme une réflexion sur les valeurs individuelles et collectives qui passe nécessairement par le dialogue. Étant un processus plutôt qu’un niveau à atteindre, on s’y référera comme l’orientation éthique de l’organisation. Afin d’explorer ma question de recherche, soit comment se développe l’éthique au sein d’une organisation, j’ai, par conséquent, choisi de présenter l’étude de deux cas d’entreprises canadiennes publiquement reconnues pour leurs pratiques éthiques : Mountain Equipment Co-op (MEC) et le Body Shop Canada. J’ai rencontré quinze personnes travaillant au sein des deux organisations étudiées. Pour réaliser ce travail, j’ai eu recours à une méthode de recherche de type « naturaliste », qui m’a permis de dégager les conclusions qui suivent. Dans un premier temps, l’orientation éthique apparaît, au sein des organisations étudiées, comme une façon holistique de concevoir l’organisation et ses multiples responsabilités. Elle se manifeste sous la forme d’un dialogue sur les valeurs et les fins de l’organisation, dialogue qui a lieu de façon collective, mais qui engage en même temps chaque individu. L’orientation éthique se concrétise par des actions concrètes au sein de l’organisation. L’étude de ces deux cas révèle dans un deuxième temps qu’une culture qui favorise le dialogue est fondamentale pour que puisse émerger l’orientation éthique d’une organisation. Ce sera le cas si la culture favorise l’autonomie plutôt que l’autorité et le contrôle et si la structure est peu hiérarchisée, permettant ainsi une gestion participative. Dans cette perspective, l’organisation reconnaîtra en outre qu’elle fait partie d’un système qui la transcende, et qu’elle a, par conséquent, un lien étroit avec la société. Le dialogue avec les représentants du milieu dans lequel elle évolue sera rendu possible par une gestion par stakeholders - c’est-à-dire les groupes affectant et affectés par les activités de l’entreprise -. L’analyse des résultats permet dans un troisième et dernier temps de dégager que le développement de l’orientation éthique doit être envisagé en tant que processus, plutôt que comme une série de stades par lesquels doit évoluer l’organisation tel que le suggère la littérature sur le sujet. Ce processus se caractérise au sein des organisations étudiées par le développement interdépendant des cinq dimensions qui forment leur orientation éthique : l’évolution de la vision de l’éthique, une communication croissante, l’inclusion plus large de stakeholders, la formalisation des pratiques et l’évolution de la vision de l’éthique des individus qui la composent. Finalement, les implications des résultats de l’étude de ces deux cas en gestion amènent à considérer le développement de l’éthique en organisation non pas dans une perspective stratégique, mais comme un phénomène culturel.

Lire aussi