L'étude de l'interface politico-administrative révèle les tensions entre le contrôle politique et l'autonomie professionnelle au sein des organisations publiques. Notre recherche porte sur les relations entre élus municipaux et gestionnaires dans le contexte de la gestion d'un service d'eau. Nous analysons l'interface politico-administrative à l'aide du concept de construction du sens (sensemaking) dans les organisations.
Notre étude de cas sur les services d'eau montréalais est appuyée par des données empiriques qualitatives. D'abord, notre cas permet d'identifier les grandes périodes ainsi que les événements marquants de l'organisation de la gestion de l'eau à Montréal entre 1950 et 2010. Ensuite, nous expliquons comment la fonction publique montréalaise a perdu son expertise en matière de gestion de l'eau au cours des décennies 1980 et 1990. Enfin, nous présentons une analyse des relations entre élus et gestionnaires, notamment la manière dont les gestionnaires ont élaboré, à partir de la fin des années 1990, leur propre vision de la gestion de l'eau, exprimant ainsi leur adhésion à des normes professionnelles et à leur idéal du service public beaucoup plus qu'à une organisation démocratique, qu'ils considèrent incapable de leur fournir les ressources jugées essentielles à l'exercice de leur métier.
Nous pouvons expliquer la situation du cas de la gestion montréalaise de l'eau par un cercle vicieux impliquant d'une part un manque de vision politique des élus en matière de gestion de l'eau, émanant notamment de l'incapacité des citoyens à construire du sens par rapport à la situation matérielle peu visible et enfouie sous leurs pieds et, d'autre part, la perte d'expertise dans la fonction publique, un processus lent ayant contribué à la fois à l'incapacité pour les gestionnaires à interpréter adéquatement la situation et au climat de méfiance entre politique et administratif.
Mots-clés : Services publics urbains, eau, administration publique, infrastructures, interface politico-administrative, construction du sens, expertise publique