LE CONTRAT GOUVERNEMENT-FIRME PRIVÉE OPTIMAL EN PRÉSENCE D’INCERTITUDES ET D’ASYMÉTRIE D’INFORMATION

Conçus comme des moyens de gestion efficaces des fonds publics, les marchés publics sont ordonnés par des règles assurant l’équité d’accès et de traitement des firmes participant à l’enchère. Ainsi, compte tenu de la spécificité de cet instrument, le Gouvernement définit les contrats engagés dans les marchés publics, et ce en spécifiant les règles d’attribution du marché et les règles de paiement. Néanmoins, le contrat engagé confronte les firmes participantes à l’enchère avec des incertitudes. Ces incertitudes peuvent être ex post, et porter sur la valeur des coûts d’exécution, comme elles peuvent être ex ante et porter aussi sur l’issue de la procédure. Par conséquent, il n’est pas possible d’élaborer un contrat complet, qui détermine les paiements dans tous les états de la nature. Donc, le paiement est le résultat d’un contrat incomplet. À quoi s’ajoute l’asymétrie informationnelle, au détriment du Gouvernement et en faveur des offreurs. En effet, au cours de l’enchère, le gouvernement ignore les coûts réels des firmes participantes à l’enchère. Ceux-ci peuvent être affectés non seulement par la compétence ou l’efficacité de la firme soumissionnaire, mais aussi, une fois le contrat attribué, par les efforts consentis par la firme engagée pour réduire les coûts de réalisation du projet public. Ces deux problèmes d’asymétrie d’information sont connus dans la littérature économique sous les noms de la sélection adverse et du risque moral. Ainsi, ces incertitudes sur les coûts de réalisation et sur l’issue de la procédure confèrent un rôle essentiel à l’attitude des firmes soumissionnaires vis-à-vis du risque. Le Gouvernement doit donc concevoir un contrat optimal tout en tenant compte de cette attitude, qu’il ne peut pas observer. Les marchés publics présentent donc un ensemble de caractéristiques typiques : contrats incomplets, risque moral, sélection adverse, incertitudes ex ante et ex post. Ces problèmes bien connus depuis le développement de la théorie de l’agence (Holmstrom (1979), Shavell (1979), Grossman et Hart (1983)) s’ajoutent à ceux qui résultent de la mise en compétition. En effet, si le contrat ne concerne ex post qu’une seule firme, ex ante plusieurs offreurs potentiels sont susceptibles de répondre à la demande du Gouvernement. La théorie des enchères issue des travaux de Vickrey (1961) et développée par Holt (1980), Myerson (1981), Riley et Samuelson (1981), Milgrom et Weber (1983), Mc Afee et Mc Millan (1986, 1987), Laffont et Tirole (1986), permet de comprendre les stratégies des offreurs dans une enchère et, de définir, dans différents environnements, la procédure optimale et, surtout ce qui nous concerne, la règle de paiement optimal. Toutefois, jusqu’à une époque très récente, les analyses concernant les marchés publics se situaient dans le cadre de la sélection adverse pure (Sherer (1962), Mc Call (1970), Baron (1972), Holt (1982)). Ce n’est que depuis la seconde moitié des années 80, que des études traitant simultanément la sélection adverse et le risque moral sont apparues. Certaines ont été réalisées par Mc Afee et Mc Millan (1986) dans le cadre d’une classe de contrats linéaires et par Laffont et Tirole (1986) dans le cadre général. Ces recherches ont permis, à l’instar d’une autre étude de Mc Afee et Mc Millan (1987), de renouveler l’analyse des marchés publics en adoptant un point de vue normatif, caractérisant ainsi les contrats optimaux. Dans leurs articles, Mc Afee et Mc Millan (1987) et Laffont et Tirole (1986) ont étudié les caractéristiques des contrats optimaux en présence des deux problèmes. Ils ont réussi à montrer dans le cas où les deux parties sont neutres au risque, que le contrat optimal est un contrat linéaire incitatif. Selon ces deux études, le paramètre de partage des coûts n’est pas constant mais il dépend du type de la firme sélectionnée. Contrairement à leur modèle de 1987, Mc Afee et Mc Millan (1986) ont supposé la linéarité des contrats comme une hypothèse ad hoc, pour montrer que le niveau optimal de partage du risque, exprimé par le paramètre optimal de partage des coûts a, est le résultat d’un arbitrage entre trois effets : l’effet du risque moral, l’effet de partage du risque et l’effet de la compétition des enchères. Ainsi en cas de neutralité vis-à-vis du risque des agents, ils ont expliqué le calcul du paramètre de partage des coûts par l’existence de l’effet de la compétition des enchères. Selon eux, cet effet opère dans le même sens que l’effet de partage du risque. En outre, ils ont montré d’une part que le paramètre de partage des coûts n’est jamais égal à 1 et, d’autre part, que lorsque le nombre des agents est très important, l’effet de la compétition des enchères est négligeable. Donc, ce paramètre est seulement déterminé par l’arbitrage entre l’effet du risque moral et l’effet de partage du risque. Il ne tend vers zéro que lorsque les agents sont neutres au risque. À la suite de l’étude du modèle de Mc Afee et Mc Millan (1986) et de leur simulation, nous pouvons poser les questions suivantes : Est-ce que l’effet nouveau de la compétition des enchères, suggéré par Mc Afee et Mc Millan (1986), n’est pas un substitut de l’effet de l’aversion au risque ? Est-ce que le contrat dans lequel le paramètre de partage des coûts est nul (contrat fixed price), n’est pas un contrat optimal en présence d’aversion au risque des agents ? Autrement dit jusqu’à quel point le théorème de Mc Afee et Mc Millan (1986) est-il toujours vrai ? L’objectif de ce travail est de répondre à ces questions tout en cherchant à trouver le niveau optimal de partage du risque entre les deux parties. À cette fin, en négligeant les incertitudes ex post , nous allons étendre l’application de Mc Afee et Mc Millan (1986). Dans l’extension, le niveau de partage du risque entre les deux parties résultera de l’attitude différente des deux parties envers le risque : le Gouvernement sera considéré neutre au risque alors que, contrairement à l’application de Mc Afee et Mc Millan (1986), les firmes privées auront une aversion pour le risque relative constante. Notre étude est alors structurée de la façon suivante : Dans une première partie, nous présenterons essentiellement la revue de la littérature. Le premier chapitre étudie le cadre théorique et les problèmes associés à la conception d’un contrat optimal. Le deuxième chapitre présente un contrat linéaire optimal, les contrats élaborés en pratique ainsi que les récentes contributions dans ce domaine. Enfin il discute de l’importance de l’audit. Dans le troisième chapitre, nous proposerons une présentation du modèle de Mc Afee et Mc Millan (1986) et de celui de Laffont et Tirole (1986). Enfin une comparaison des modèles et des commentaires sur leurs mérites respectifs seront donnés. Ce travail vise à explorer l’effet de l’aversion au risque des firmes sur le niveau optimal de partage du risque, définissant ainsi le contrat optimal. C’est pourquoi, au niveau de la deuxième partie, nous présenterons dans le quatrième chapitre la réplication de la simulation du Mc Afee et Mc Millan (1986), puis la démarche de Mougeot et Neagelen (1993). Pour ensuite montrer l’importance de cet effet dans les deux chapitres suivants. Ainsi, nous présenterons dans le sixième chapitre le cas spécial de Mc Afee et Mc Millan (1986), qui tient compte de l’aversion au risque des offreurs. Et, enfin, en utilisant la démarche de Mougeot et Naegelen (1993), nous établirons un modèle, qui essaye de répondre à nos questions et qui constitue l’apport de cette recherche. Le septième chapitre présentera ce modèle et son illustration, ainsi qu’une simulation à partir des données du modèle Mc Afee et Mc Millan (1986) et des commentaires.

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