Le rôle attendu du professionnel RH lors d'un changement organisationnel

Dans le cadre de cette recherche sur la gestion du changement organisationnel, nous avons cherché à mieux comprendre le rôle attendu des professionnels en ressources humaines lors d’un changement organisationnel. Pour ce faire, nous avons déterminé les interventions les plus pertinentes susceptibles de répondre aux préoccupations des individus exposés à une transformation organisationnelle. L’intérêt de cette recherche est donc d’une part, d’identifier des interventions pratiques répondant aux préoccupations des destinataires, et d’autre part, de déterminer les émetteurs attendus (professionnels RH ou autres) de ces interventions. Cette étude s’inscrit dans un contexte où les changements observés dans l’environnement économique se succèdent à un rythme accéléré et imposent aux acteurs organisationnels de devenir plus productifs, plus polyvalents et plus mobilisés. Toutefois, force est de croire que la ressource humaine en organisation est souvent et malheureusement conduite par une gestion approximative du changement, engendrant d’importantes résistances pouvant mettre en péril le projet de changement. Or, plusieurs auteurs estiment qu’une gestion attentive du changement passe par une compréhension des problèmes humains qui y sont vécus. Pour ce faire, la théorie des phases de préoccupations offre une bonne compréhension des phénomènes individuels vécus lors d’un changement organisationnel. Elle permet aux intervenants de demeurer sensibles aux questions humaines durant le processus de transformation, de les diagnostiquer et de faciliter la transition des individus par des interventions adaptées aux besoins du moment. La théorie des phases de préoccupations propose que tout individu exposé à un changement (le destinataire) vit différentes préoccupations tout au long du processus de changement. L’intensité de ces préoccupations varie dans le temps. Ce schème de préoccupations se compose de sept phases distinctes, séquentielles et prévisibles. Puisque la dimension humaine apparaît difficile à gérer en situation de changement, notre regard s’est posé sur les rôles que les professionnels RH pourraient possiblement jouer pour faciliter cette transition. D’ailleurs, plusieurs écrits dans la littérature font la promotion d’une GRH « à valeur ajoutée » dite plus stratégique en s’attardant notamment à des activités de gestion du changement. Mais la littérature entourant l’agent de changement RH ne délimite pas réellement les frontières de ce rôle, pas plus qu’elle ne définit les comportements ou actions directes à mettre de l’avant. Aussi, le manque de validation empirique ne permet pas de prétendre à une véracité de ces propos, sans compter que cette littérature assigne aux professionnels RH une panoplie de rôles souvent prescriptifs sans se soucier des attentes ou besoins des individus auxquels ces rôles doivent répondre. Dans cette étude, nous avons dégagé trois questions de recherche. Notre première question de recherche cherche à valider six propositions d’interventions associées à chacune des sept phases de préoccupations. Notre deuxième question de recherche vise à déterminer le rôle attendu du professionnel RH en matière de gestion du changement et ainsi vérifier si les répondants perçoivent son rôle selon une logique traditionnelle ou stratégique. Enfin, notre troisième question de recherche vise à clarifier les interventions attendues des sept autres intervenants en organisation (membre exécutif, professionnel des relations publiques, professionnel finance/comptabilité, supérieur immédiat, collègue de travail, responsable de l’équipe de projet de changement et consultant externe) qui peuvent agir à titre d’agent de changement lors d’une transformation organisationnelle. Pour déterminer les gestes de l’agent de changement soucieux de répondre aux préoccupations du destinataire durant un changement organisationnel, un total de 144 étudiants inscrits au programme de MBA à HEC Montréal ont été sondés via questionnaires. Concernant la question de recherche #1, nos résultats démontrent qu’en moyenne, cinq des six interventions ciblées par phase ont été validées. Aussi, nous avons pu valider d’autres interventions qui ont été jugées tout à fait pertinentes, permettant d’offrir, pour chacune des phases de préoccupations, une liste d’interventions pratiques et ponctuelles capables de faciliter l’adoption des destinataires au changement. De plus, nous avons identifié un certain nombre d’interventions considérées tout à fait pertinentes durant tout le processus de mise en œuvre du changement, affirmant la continuité de ces actions. Ces interventions renvoient à l’implication nécessaire des destinataires à travers le processus de mise en œuvre du changement, à l’importance de tenir les destinataires correctement informés durant la transformation organisationnelle, notamment à travers des rencontres, via des communiqués internes officiels consacrés exclusivement au changement ou encore en offrant une réponse aux informations erronées à propos du changement pour limiter les fausses croyances et leurs rumeurs organisationnelles. Concernant la question de recherche #2, nous retenons de l’ensemble des résultats l’omniprésence des activités de gestion du changement dans le rôle attendu des professionnels RH et ce, durant tout le processus de changement. Ces résultats permettent de mieux apprécier le caractère stratégique que prend la GRH dans l’organisation d’aujourd’hui. Quant à la question de recherche #3 sur le rôle attendu des sept autres intervenants appelés à gérer le changement, c’est envers le supérieur immédiat que les attentes sont les plus élevées quant aux interventions qu’il pourrait mener et qui permettraient de faciliter l’adaptation des destinataires au changement. À l’inverse, le professionnel des relations publiques, le professionnel de la finance et de la comptabilité, le collègue de travail et le consultant externe obtiennent tous des résultats très faibles et leur rôle attendu en qualité d’agent de changement est presque inexistant. En somme, cette recherche offre des apports théoriques et pratiques importants. D’abord, elle clarifie les interventions les plus appropriées à différents moments du processus de changement tout en identifiant les acteurs organisationnels jugés les plus appropriés pour mettre de l’avant ces interventions. Ensuite, cette recherche propose de nombreuses avenues à l’agent de changement RH et à son rôle attendu, en présentant des interventions pratiques capables de faciliter le processus d’adaptation au changement des destinataires. Nous avons aussi opérationnalisé le rôle attendu des sept autres intervenants appelés à gérer le changement pour chacune des sept phases de préoccupations. Le fait de s’attarder aux attentes des destinataires dans la construction du rôle à réaliser des différents intervenants nous permet de présenter une première validation empirique des interventions pratiques à mener en contexte de changement organisationnel. De plus, la diversité de notre échantillon peut nous permettre, sans nécessairement généraliser formellement ces résultats, de propager avec une bonne assurance nos apprentissages à toute forme de changement organisationnel et à travers n’importe quelle organisation. Seulement, d’un point de vue méthodologique, il nous est impossible de savoir si les répondants se sont réellement tous mis dans la peau du personnage que nous leur avons exposé dans leur mise en situation, bien que le pré-test nous avait permis une certaine assurance à ce sujet. Quant aux avenues de recherche, le chercheur peut offrir plusieurs variantes aux outils de mesure : demander aux répondants de choisir la préoccupation qui le représente le mieux et de répondre au questionnaire en fonction de cette préoccupation, exposer les répondants aux 42 propositions d’interventions et leur demander de les associer à une seule des sept phases de préoccupations, refaire une passation des questionnaires à travers une population différente ou répéter l’expérience auprès des membres d’une entreprise qui vit un changement organisationnel. Enfin, le chercheur peut poursuivre l’étude des rôles et des interventions des différents acteurs du changement, en particulier celui des professionnels RH, en relation avec le succès d’un projet de changement.

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