Si nous assistons depuis les dernières années à une médiatisation des problématiques que vivent les travailleurs étrangers temporaires sur les fermes horticoles du Québec, la question de la main-d’œuvre agricole et horticole œuvrant dans la province n’a été que peu abordée dans la littérature scientifique. Les quelques travaux effectués jusqu’à présent se sont en effet concentrés sur des aspects relativement restreints du travail agricole ou horticole tels que les problématiques touchant les travailleurs immigrants ou migrants, et les dimensions juridiques ou économiques de ces emplois. Certains de ces travaux suggèrent cependant que les problématiques de main-d’œuvre observées actuellement dans le secteur seraient en partie attribuables à la façon dont le travail agricole et horticole est géré.
Ce constat, de même que le manque de perspective holistique sur le sujet du travail agricole et horticole, nous ont amenée à conduire une recherche construite à partir d’un modèle systémique des relations industrielles, dans une perspective socio-historique. Ce procédé nous a permis de retracer la genèse du système de relations préindustrielles et industrielles du secteur agricole et du sous-secteur horticole dans le but de comprendre les enjeux contemporains concernant la gestion de sa main-d’œuvre. En reconstruisant le système à l’intérieur de trois grandes périodes historiques s’étalant de 1638 à 2010, nous avons été à même de comprendre comment le système a géré sa main-d’œuvre et quelles ont été les répercussions de cette gestion sur les différents éléments du système au cours de la période contemporaine.
Nos résultats indiquent que si le système a évolué sur plusieurs aspects, il a depuis ses débuts mis en place une gestion axée sur la limitation des coûts de la main-d’œuvre et la rétention d’un personnel difficile à conserver en raison des conditions difficiles qui prévalent dans le secteur. L’État s’est généralement positionné de façon à faciliter ces stratégies, favorisant d’abord une gestion autarcique de la main-d’œuvre par le système, puis une forme d’autorégulation assistée du système. Ce dernier a ainsi pu faire appel à une main-d’œuvre qui répondait en grande partie à l’approche qu’adoptaient les employeurs et leurs représentants. La période contemporaine a vu le système adopter de nouvelles façons de gérer la main-d’œuvre. Les acteurs se sont multipliés afin de mettre en œuvre cette nouvelle gestion de la main-d’œuvre de plus en plus formalisée et complexe. En réponse aux stratégies des acteurs patronaux, cependant, des acteurs dont l’objectif est la défense des intérêts des travailleurs se sont eux aussi multipliés, contribuant à bouleverser l’équilibre traditionnel des pouvoirs dans le système et à en modifier les règles.
Le système se trouve donc actuellement à la croisée des chemins. Sa stabilité et sa viabilité à long terme sont de plus en plus remises en question. Dans cette optique, il pourrait être amené à revoir ses stratégies et ses règles dans une perspective plus globale, en mettant à profit l’important potentiel de régénération que possèdent les nouveaux acteurs du système.
Mots-clés : Agriculture québécoise, système de relations industrielles, travailleurs agricoles, travailleurs horticoles, gestion de la main-d’œuvre agricole et horticole.